C'est le récit d'un gars qui voit la quarantaine se jeter sur lui et qui a juste envie de prendre ses jambes à son cou.

Ce n'est pas la vieillesse qui l'effraie. Mais on dirait qu'il n'a pas le physique de l'emploi. « J'ai presque quarante ans. Je n'ai jamais fait ou dit quoi que ce soit qui ait de l'envergure. (...) Je n'ai pas d'enfants et personne avec qui en faire. Je ne sais plus du tout dans quelle direction barrer le navire...»

 

Le narrateur de Presque 39 ans, bientôt 100, travaille sans grande conviction dans le domaine de la télé. Il est dépressif, alcoolo, probablement affligé du syndrome de La Tourette (si le neuropsychologue qui lui coûte une fortune ne fait pas fausse route), dépendant aux anxyolitiques et habitué des escortes, putes et clubs privés de jambes en l'air. Suicidaire ? Pas vraiment. Mais parfois plus bas que le niveau de la mer, « au pire endroit possible : sans aucune envie de continuer à vivre, mais rempli d'une trouille d'enfer à l'idée de mourir. Je crois qu'errer dans les limbes, ça doit ressembler un peu à ça. « Heureusement qu'il y a Marie, qui vient poser quelques touches de soleil sur ce tableau sombre comme la cour arrière d'un bar de danseuses.

Fred Dompierre l'a admis dans quelques entrevues publiées dans les journaux, ce narrateur paumé jusqu'à l'os, c'est lui. Ce sont ses déboires amoureux, ses abus, ses amères désillusions, ses périodes de presque déchéance, cloîtré chez lui avec ses chats, à boire jusqu'à l'effondrement. Fallait-il se donner ainsi à lire ? Peut-être pas avec autant d'impudeur. Car tout n'est pas d'intérêt, dans ce récit présenté comme une suite de « petits bouts « de journal intime un peu disparates, à son image, sa vie étant ainsi faite. « Je ne travaille que par petits bouts, écrit-il. J'ai fait des petits bouts de métier ici et là, qui ont donné des petits bouts de résultats. (...) Dans la vie je n'ai du courage que par petits bouts. (...). «

Fred Dompierre ne manque pas de talent. Son écriture a du piquant, de l'allant, d'étonnantes et jolies tournures. Mais quand il se regarde le nombril par le petit bout de la lorgnette, qu'il râle et nous raconte dans le détail ses maux et bobos, ses différends avec ses collègues et ses blondes, nous imposant la position, inconfortable, du voyeur, les risques de nous perdre passent de moyens à élevés. Par contre, quand l'ego s'efface, et qu'il se pose en observateur d'un monde un peu fou, un peu flou, parfois terrifiant, quand il nous fait voir ce monde à travers son regard critique, dur, mais souvent très juste, il est à son mieux.

Presque 39 ans, bientôt 100

Fred Dompierre

Boréal, 270 pages, 24,95 $

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