L'écrivain, essayiste et cinéaste Jacques Godbout vient de lancer Autos biographie, oeuvre autobiographique construite autour du thème de l'automobile. Car l'homme de lettres a possédé beaucoup de véhicules au cours de sa vie. Rencontre.

Q: Dans l'introduction de votre livre, vous dites avoir accepté de parler de votre vie, mais en ayant ce fil conducteur qui est l'auto. Pourquoi l'auto?

 

R: L'automobile est visible partout dans la ville et en dehors. Elle change de style à mesure que les époques changent. Donc, elle est marquée par l'âge. Et dans une autobiographie, on raconte sa vie, donc on a besoin d'une chronologie. Enfin, l'auto est très souvent un peu comme un salon. Un endroit où l'on se retrouve à deux, trois ou plusieurs. C'est un objet social.

Q: Vous dites que vous n'êtes pas tragique et que, pour cette raison, vous n'aviez pas été tenté par l'autobiographie. Est-ce que les gens qui écrivent des autobiographies sont tragiques?

R: Si vous avez eu une vie tragique, si, par exemple, vous avez perdu tous vos enfants ou les jambes, vous avez vaincu un cancer, vous pouvez partir de là pour réfléchir sur la vie et la raconter. Moi, je n'avais pas de point de départ autre que ma naissance, qui s'est passée de façon assez banale. Puis, je suis allé à l'école, au collège, à l'université, sans qu'il y ait de tragédie. Si je regarde toute ma vie, j'ai eu beaucoup de chance.

Q: Qu'avez-vous retenu de l'exercice biographique?

R: Beaucoup de surprises. J'ai commencé par faire une liste des voitures que j'avais possédées ou conduites avec intérêt. Pour chacune d'entre elles, je me suis dit: Qu'est-ce qui est arrivé d'intéressant ou de racontable dont je pourrais faire une courte histoire? Je ne m'attendais pas à ce qu'elle me suggère autant d'histoires. J'aurais pu en rajouter. J'ai oublié, par exemple, de parler d'une voiture qu'on prenait au début des années 60 pour aller en groupe à New York voir des films français qui n'étaient pas censurés.

Q: Vous avez possédé plusieurs voitures. Êtes-vous coupable de crime contre l'environnement?

R: Absolument pas et pas plus que le reste de l'humanité. Pensez aux Chinois, ils sont plus d'un milliard, qui rêvent d'avoir une automobile. Oui, nous allons détruire la planète, car nous sommes des prédateurs. Évidemment, nous devrions faire attention à ne pas la détruire trop rapidement. Parce que, même si on est des prédateurs, on peut être civilisés. Mais arrêtons de quitter l'Église catholique pour entrer dans l'église écologique. Le sac vert et le bac bleu n'ont pas à remplacer le Saint Esprit et la Vierge Marie.

Q: Aucun chapitre n'évoque les deux périodes référendaires. Pourquoi?

R: J'ai dit dans mon roman Les têtes à Papineau tout ce qu'il y a à dire sur les référendums. Je n'allais pas reprendre ça sous une forme brève. Il n'y a pas d'automobile qui, pour moi, est en relation avec les référendums. Ce sont des moments assez médiatisés. Je n'ai pas besoin d'ajouter quelque chose.

Q: À la page 120 de votre ouvrage, vous écrivez: «Je suis d'un naturel impatient.» À la page 135, vous dites être d'un naturel patient. Qui est le vrai Jacques Godbout?

R: J'ai dit ça? (Ici, l'auteur feuillette fébrilement son livre.) Ma réponse est que je suis un être plein de contradictions! C'est vrai que je suis impatient, ma femme en est témoin tous les jours. Mais je peux endurer beaucoup, jusqu'à ce que j'obtienne ce que je veux. Alors, ce n'est pas «patient» que j'aurais dû dire la deuxième fois, c'est «d'un naturel têtu». Mais d'accord, je suis un être plein de contradictions. Vous gagnez!

Q: Des élections fédérales viennent de se terminer. Qu'est-ce que vous voyez dans votre rétroviseur?

R: La société canadienne est vieillissante et de plus en plus conservatrice. M. Harper a été réélu par des gens qui sont plus conservateurs que portés à courir des risques. Comme d'habitude, la société québécoise s'est distinguée, mais je continue à croire que le Bloc québécois est un parti qui veut conserver et défendre les traditions. Donc, jusqu'à un certain point, c'est un parti conservateur, mais conservateur québécois.

Q: À qui, aujourd'hui, aimeriez-vous dire: «Arrête ton char»?

R: Il est complètement ridicule de voir Jacques Parizeau, Bernard Landry et Jean-François Lisée reprocher à Nicolas Sarkozy de ne pas avoir dit ce qu'ils voulaient qu'il dise. La façon dont nos hommes politiques de province font le procès du président d'un pays indépendant est charrié. Ce qui me choque est de les voir se comporter comme des colonisés qui veulent absolument l'approbation du président français à leur projet, alors qu'il s'agit d'un projet québécois qui nous concerne au premier chef et à propos duquel nous avons à nous prononcer. Que la France ou le Basutoland soient en faveur de l'indépendance du Québec ne change rien pour les Québécois. Ce sont eux qui se posent la question. (...) M. Lisée et compagnie étaient des grands fans de Ségolène Royal, qui était une imbécile patentée - il suffisait de l'écouter parler comme la vierge Marie à Fatima - et ils n'ont pas vu cela. Et maintenant que Ségolène n'est pas là, ils attaquent Sarkozy. C'est facile! En fait, ils sont en train de se venger d'avoir perdu l'élection française, où ils n'avaient même pas droit de vote.

Q: Complétez la phrase suivante. Si le Québec était une voiture, ce serait...

R: En ce moment, c'est une voiture avec un seul conducteur qui s'ennuie dans les bouchons. Mais ce que ça pourrait être, c'est une voiture familiale, avec deux ou trois enfants à l'arrière, qui rêvent d'aller à l'école. Nous sommes tentés par un individualisme de plus en plus encouragé par les technologies. Mais ce pays, ce peuple, cette culture, ne peuvent vivre et s'épanouir que si on remplace les vieux par des jeunes.

Autos biographie

Jacques Godbout

Les 400 coups, 148 pages, 29,95$