À la page 218 du Journal d'un écrivain en pyjama, vous écrivez: «Je me demande si ce vieux fou n'était pas en train de réaliser mon rêve ou celui de n'importe quel écrivain: passer la barrière verte du temps.» Est-ce que devenir immortel vous fait traverser cette barrière verte du temps?

Je ne sais pas quand on passe la barrière du temps, comme l'a fait un après-midi d'ennui la petite Alice pour aller dans cet étrange pays dit des Merveilles. Je ne crois qu'un symbole aussi évident que l'Académie puisse le permettre. Ça doit être chaque fois qu'un écrivain croit qu'il a écrit un livre qu'il n'envisageait pas d'écrire et qui soit en définitive plus grand que son rêve le plus fou.

Comment l'auteur et l'Haïtien reçoivent-ils cet honneur? Partagent-ils les mêmes impressions?

L'auteur n'est ni Haïtien ni Québécois, il est un mélange de ces deux identités parfois semblables, parfois opposées. Mais je suis aussi un écrivain japonais, c'est-à-dire que j'ai toujours le goût de l'évasion.

Que représente Jean d'Ormesson pour vous?

Jean d'Ormesson est un ami. Il dit qu'on a eu un coup de foudre d'amitié. À mon retour d'Haïti, après le tremblement de terre, une lettre m'attendait à Montréal. Elle était signée Jean d'Ormesson. Elle disait: «Cher ami, j'espère que tout va bien dans ta vie...» La lettre était datée du 12 janvier 2010 et avait été postée le matin, juste avant le tremblement de terre. Dans les vraies amitiés, il y a toujours ce courant mystérieux.

Avec quel immortel du passé auriez-vous souhaité siéger, et pourquoi?

Voltaire, car il était cinglant. Je noterais ses «poisons», comme dirait Sainte-Beuve. Montesquieu, aussi, parce qu'il a dit ce qu'il fallait dire sur l'esclavage dans L'esprit des lois. De plus, nous occupons le même fauteuil. Je me serais assis sur ses genoux! Mon préféré, c'est Diderot, mais il n'était pas académicien. Je le retrouverais près du Palais-Royal, sur le banc d'Argenson. C'est un drôle de pistolet, si vif, si brillant, mais un rude travailleur. C'est lui, le maître d'oeuvre de l'Encyclopédie. Bon, Hugo, pour flâner dans Paris, car il avait l'oreille pour entendre la misère du monde...