Tout pays, petit ou grand, sable le champagne lorsque le prix Nobel de littérature est attribué à l'un de ses auteurs. Le couronnement, jeudi, de Jean-Marie Gustave Le Clézio a donc déclenché une déferlante dans les médias. La moitié de la une du Monde, avec photo et un éditorial de son directeur, Éric Fottorino. La moitié de la première page du Figaro, et trois pages intérieures. Le reste à l'avenant.

JMG Le Clézio, connu pour sa réserve polie, avait la chance ou la malchance de se trouver ces jours-ci, non pas au Nouveau-Mexique où il réside depuis des décennies, mais en Bretagne, pays de ses ancêtres qui avaient émigré au XVIIIe siècle à l'île Maurice. On l'a donc retrouvé, jeudi après-midi, au milieu d'une cohue indescriptible, aux éditions Gallimard. Puis en direct au journal télévisé de 20h.

 

Mais pas plus bavard que d'habitude, l'air de chercher ses mots et de s'excuser d'être là: «Ému et touché» de cette consécration, qui va lui assurer «la tranquillité matérielle» pour écrire, mais qui ne change rien à son métier d'écrivain: «On vous couronne pour vos livres passés, ça ne garantit rien pour les suivants.» Et pour finir, il a dédié ce prix à l'île Maurice, sa «petite partie», dont son père (anglophone) avait la nationalité.

Les prix Nobel ne font pas nécessairement consensus. En 1985, son attribution à Claude Simon, le plus hermétique des tenants du Nouveau Roman, avait été diversement appréciée. Le Clézio, lui, fait l'unanimité. Tel un écrivain idéal, sans peur et sans reproche.

Né à Nice en 1940, élevé par sa mère francophone, parfait anglophone par son père et diplômé de l'Université de Bristol en Grande-Bretagne, Le Clézio a tout pour lui. Grand, mince et blond, physique de cinéma, il a toujours limité au strict minimum ses contacts avec les médias. Malgré une entrée fracassante en littérature.

En 1963, à 23 ans, il envoie le manuscrit du Procès-verbal, son premier roman, aux éditions Gallimard. Rate le Goncourt d'une voix. Et remporte le prix Renaudot. On lui trouve une écriture voisine de ses confrères du Nouveau Roman - et de fait il n'y aura jamais de concession à la facilité dans la cinquantaine de livres qu'il écrira par la suite. Mais, si l'on ose dire, son rayon d'action est plus ample que celui des écrivains des éditions de Minuit.

Comme l'écrit Éric Fottorino à la une du Monde, au-delà «du sortilège d'une langue ample et souple», cette oeuvre est «une sorte de grand concert sauvage célébrant la fraternité des humains, d'abord ceux que le vent de l'Histoire a dépossédés». Malgré la discrétion extrême de l'écrivain, ses engagements littéraires, et parfois publics, en faveur de minorités opprimées, ou pour la défense d'une nature massacrée par l'homme, ont trouvé un large écho dans le public. JMG Le Clézio a eu souvent de ces formules qui marquent lorsqu'il a dénoncé «le vacarme absurde et irritant de la civilisation urbaine pareille à une vaste cage à signes».

Discret, peut-être légèrement asocial, le nouveau Nobel de la littérature a aussi été -pour la petite histoire- l'un des rares interlocuteurs d'un célèbre reclus littéraire du nom de Réjean Ducharme. Selon Robert Charlebois, qui le fréquentait quand ils écrivaient des chansons ensemble, Ducharme «restait en contact régulier avec Le Clézio». À une occasion, il aurait même pris l'avion de Miami pour une rencontre avec l'auteur du Chercheur d'or. Il y a de cela un quart de siècle.

Enfin, le Prix Nobel de littérature sera de passage au Québec cette semaine, où il doit participer à plusieurs activités, notamment la remise du prix littéraire des Cinq continents de la francophonie, dont il est membre du jury, une rencontre à l'Université de Montréal, une conférence à la librairie Olivieri, et l'inauguration du colloque annuel des écrivains de l'Académie des lettres.