Le déclenchement des élections fédérales a marqué un heureux répit pour l'Association nationale des éditeurs de livres (ANEL), qui s'oppose à «l'exception pédagogique», un des amendements à la loi sur le droit d'auteur présentés en juin par le gouvernement Harper.

«L'exception pédagogique permettrait à tout le monde de faire des photocopies sans payer de droits», a expliqué Gaétan Lévesque (XYZ), en précisant que le Québec était le seul, au Conseil canadien des ministres de l'Éducation, à s'opposer à cette mesure. Le nouveau président de l'ANEL - qui regroupe une centaine de membres - s'adressait aux médias mardi, au cours d'un déjeuner de presse où il a passé en revue les priorités de son organisation pour l'année à venir.

 

La principale touche la mise sur pied d'une «plateforme de distribution de contenus numériques simple» où les livres québécois pourraient être accessibles à tous dans l'internet. L'ANEL y voit un passage obligé afin d'accroître le marché, tant intérieur qu'international. Le temps presse un peu, l'édition québécoise accusant du retard dans ce secteur de la «nouvelle distribution». L'ouverture de l'«entrepôt numérique» est prévue pour le début de 2009. Qui vient vite...

Une initiative «prometteuse»: le programme fédéral de traduction qui, parti de la «feuille de route pour la dualité linguistique 2008-2013» du ministère du Patrimoine, prévoit une enveloppe initiale de 5 millions répartis sur quatre ans. Pour l'heure, très peu d'oeuvres canadiennes sont traduites dans la langue de l'autre «solitude».

Précisions et garanties

Par ailleurs, M. Lévesque a déclaré que l'ANEL allait s'adresser aux ministres de l'Éducation et de la Culture pour obtenir des précisions d'abord, puis des garanties, sur les politiques d'achat de livres des organismes subventionnés, les bibliothèques scolaires et publiques, notamment. «Il faut que les bibliothèques québécoises donnent la priorité à la production nationale, comme le font les pays nordiques.» À cet égard, l'ANEL verrait d'un bon oeil l'établissement de quotas favorisant une meilleure place du livre québécois sur les étagères publiques.

Rappelons que la production québécoise compte pour 35% des achats au détail dans l'ensemble du Québec mais que, dû aux coûts de transport et aux contraintes d'espace, il existe de fortes disparités quant à la disponibilité des titres québécois, disparités entre les régions d'abord, mais aussi entre les librairies appartenant à de grandes chaînes et les librairies indépendantes.

Quant au front commun organisé par Culture Montréal pour s'opposer aux coupes budgétaires du fédéral dans les secteurs de la culture (45 millions), l'ANEL se déclare «solidaire du milieu». Toutefois, on sent chez les éditeurs une grande prudence quant aux actions à privilégier. C'est que les élections du mois prochain risquent de voir le Canada se donner une majorité «Art-Peur» avec laquelle tout le monde culturel se verra obligé de vivre.