Quichotte et les invincibles est un spectacle hors normes, une rencontre quasi intime avec trois créateurs italiens qui parlent, lisent, chantent, jouent de la musique et trinquent autour d'une grande table. L'écrivain (et parfois guitariste) Erri De Luca, le lumineux clarinettiste Gabriele Mirabassi et le guitariste-chanteur Gianmaria Testa (qui était de l'hommage à Léo Ferré au Festival de jazz en juin dernier), donnent pour la dernière fois ce collage de textes, de poèmes et de chansons ce soir dans le cadre du Festival international de la littérature.

À cette table où sont assis les trois artistes, il y a une quatrième chaise, réservée pour Don Quichotte, qui est au coeur de ce spectacle. Quichotte, le plus bel invincible qui soit, pas de ceux qui gagnent toujours, mais de ces autres qui ne cessent de se relever pour se battre encore. Le personnage que l'écrivain Miguel Cervantes a donné en cadeau à l'humanité il y a 403 ans et qui résiste encore alors que la trace de plusieurs rois et de conquérants est effacée de la mémoire collective. «L'une des rares justices de l'histoire», dira DeLuca.

 

Le décor est minimal, l'ambiance feutrée. DeLuca éteint et rallume la lampe au-dessus de la table pour marquer le changement «d'argument». L'écrivain italien emprunte à Cervantes, mais aussi à Bertolt Brecht, Nazim Hikmet, Giuseppe Ungaretti, Izet Sarajlic et Rafael Alberti des textes entre lesquels il tisse des liens pour parler d'amour, de captivité, de suicide, d'engagement et d'indifférence. Et de la guerre qui a laissé son empreinte sur ces trois hommes même si elle a épargné leur génération.

Testa et DeLuca parlent en français et chantent en italien, avec de brèves incursions en espagnol, en hébreu, en russe et en français (Le déserteur de Boris Vian). Mirabassi le «poumon» du trio, ne dit mot, mais n'est pas moins éloquent. Quant au milieu du spectacle, une boîte à musique joue Lily Marlene, l'air qui accompagnait les victimes vers le «plus grand abattoir de l'histoire de l'humanité», Mirabassi prend sa clarinette, se lève, se tortille et s'éclate dans l'un des moments marquants de la soirée. Le public applaudit spontanément, lui qui, jusque-là, hésitait à le faire, comme s'il se demandait s'il assistait à un récital ou à une pièce de théâtre.

Pour nous, la poésie n'est pas une sérénade sous un balcon, c'est une forme de combat, dira encore Erri De Luca avec son accent italien très musical. Un combat pas le moindrement assommant, où la force d'évocation des mots et de la musique, l'émotion et l'humour prennent toute la place.

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Quichotte et les invincibles, ce soir, 20h, à la Cinquième salle de la Place des Arts.