Après un recueil de nouvelles, L'occupation des jours (mention d'honneur du prix Adrienne-Choquette) publié chez Druide, Annie Perreault a écrit La femme de Valence en se basant sur un souvenir personnel tragique. Elle est diplômée en études russes et littérature française de l'Université McGill.

Pourquoi écrire

«Je pense que j'écris parce que la lecture a été importante assez tôt dans ma vie. Ça me permet de creuser ou d'aborder des choses que je ne comprends pas, qui m'échappent dans l'état du monde actuel. Chaque livre contient une interrogation qui sous-tend le projet. J'écris aussi parce qu'il y a de la beauté dans le geste d'écrire. Ça manque. Il y a un mouvement vers l'autre dans l'écriture. On part de soi pour aller vers le collectif, au-delà de notre petite histoire personnelle. C'est de l'ordre du désir, écrire.»

«Je viens d'un milieu où les livres et la culture n'étaient pas si valorisés. Ça m'attirait. Fréquenter la littérature, le théâtre et le cinéma a créé un trouble en moi.»

L'élément déclencheur du roman

«Ça part d'un fait vécu. J'ai été témoin d'un suicide à Valence, mais je ne voulais pas en faire un témoignage. Je voulais parler davantage du rapport à la souffrance. Je suis partie de l'idée de l'indifférence face à la détresse d'un autre. Qu'est-ce qui fait de l'autre un étranger? Comment peut-on être étranger à soi-même parfois? Ce projet d'écriture part de beaucoup de questions sans réponse. Ce ne devait pas être une enquête où tout devait être révélé à la fin pour attacher tous les fils. Dans la vraie vie, on reste souvent dans des zones irrésolues. C'est ce qui m'intéressait. Je voulais laisser au spectateur la possibilité de prendre sa place. La course, dans le livre, c'est une pulsion de vie par rapport à la pulsion de mort, le suicide, avec laquelle le récit commence.»

Critique

Trois destins de femmes se croisent dans le premier roman d'Annie Perreault. Une étrange suicidaire et celle qui est témoin du geste fatidique, puis la fille de la deuxième imitant sa mère en devenant coureuse de marathon, elle aussi. Ces femmes fuyantes ne savent pas trop ce qu'elles cherchent: sinon, semble-t-il, une sorte de rédemption. Avec un style finement ciselé, la romancière explore les idées de fuite vers l'avant, d'impuissance devant l'inexplicable et de l'entre-deux de l'empathie. Sisyphe n'a plus ici de rocher à pousser en haut de la montagne, il court jusqu'à la douleur extrême et, pas nécessairement, physique. Remonter le passé pour ne pas oublier, pour comprendre, pour être avec l'autre. Le mystère reste entier, même si on le fouille sans relâche. C'est cela aussi, vivre.

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La femme de Valence. Annie Perreault. Alto, 208 pages.

Photo fournie par Alto

La femme de Valence, d'Annie Perreault