Le journaliste et pupitreur à La Presse Philippe Meilleur a remporté le prix Robert-Cliche du premier roman pour un titre audacieux et débordant d'imagination qui parodie l'actualité sous une forme plutôt inusitée, Maître Glockenspiel.

D'emblée, le personnage principal de ton roman, Maître Glockenspiel, nous fait penser à un dictateur aux lubies loufoques bien célèbre ces temps-ci... Avais-tu Kim Jong-un en tête lorsque tu l'as créé?

Plein de gens m'en ont parlé, mais non, pas du tout! Le personnage existe depuis 10 ans dans ma tête. Il y a sûrement un peu d'air du temps dans le roman parce que j'ai terminé la rédaction du livre au moment où Donald Trump a été élu [en novembre 2016]. Maître Glockenspiel n'est pas Kim Jong-un ni Donald Trump, mais je lui ai quand même ajouté vers la fin quelques traits un peu plus flamboyants qu'il n'avait pas à l'origine.

Tu évoques dans l'histoire une menace nucléaire, un possible coup d'État et même une révolution. Est-ce que ton travail de journaliste a déteint sur le romancier en toi?

Tout à fait! Ma démarche a vraiment été de faire une parodie, une satire du monde qui m'entoure. Alors, j'ai vraiment absorbé l'époque. C'est mon travail de romancier que de regarder le monde extérieur et d'en faire une histoire intéressante, et la menace nucléaire est un sujet qui m'a toujours intéressé, autant que la crise de Cuba - même si je n'étais pas né - et la course aux armements. De plus, la menace nucléaire est un sujet qui sera encore d'actualité dans 10 ans. Cet élément était très important pour moi parce que je trouvais qu'il y avait un risque en satire d'être trop collé sur l'actualité et sur la nouvelle des derniers mois. C'était un piège que je voulais éviter parce que je voulais que mon livre soit encore pertinent dans 10 ou 15 ans.

Pourquoi avoir choisi la satire pour un premier roman?

J'adore l'humour absurde, et la satire est une très bonne façon d'en faire dans un roman. J'apprécie beaucoup la littérature très flyée, notamment l'auteur italien Alessandro Baricco qui m'a vraiment marqué. J'ai commencé ce projet de roman quand j'ai mis un terme à un site satirique, Le Navet, que je faisais avec un ami, et j'ai vu qu'il y avait beaucoup de gens intéressés par ce genre d'humour. Donc, je me suis dit que j'allais garder l'esprit du Navet, mais en faire un roman. C'était un beau défi parce que je devais créer un univers cohérent, qui a ses propres codes, ses propres lois, sa propre structure, mais qui fonctionne quand même. Je ne me serais pas vu écrire un livre qui se passe sur le Plateau en 2017 et qui parle d'un journaliste de 32 ans... C'est une façon pour moi de m'évader un peu: j'écris comme je vais jouer au hockey le dimanche soir.

À part Alessandro Baricco, y a-t-il d'autres auteurs qui t'ont inspiré?

J'ai lu beaucoup d'Isaac Asimov, de Stephen King, de science-fiction et d'horreur. Patrice Desbiens a été un de ceux qui m'ont le plus marqué pour l'écriture de ce livre. J'ai vu dans son oeuvre une espèce de poésie du quotidien, à quel point c'était simple, mais beau, et ça m'a vraiment ouvert les yeux sur le fait que je pouvais prendre de grandes libertés avec la langue. La littérature n'est pas du cinéma, on a le luxe de pouvoir écrire n'importe quoi, même une histoire qui se passe sur une planète éloignée - ça ne coûte pas plus cher à l'éditeur! -, alors qu'avant, je me restreignais un peu.

Souhaites-tu poursuivre dans le roman satirique?

Complètement ! Je viens de commencer un autre roman, j'ai déjà mon histoire et mes personnages, même si l'écriture n'est pas encore très avancée. J'ai adoré faire ce projet et ça n'a jamais été un fardeau. Ce n'était pas facile, mais c'était un beau défi. Pour mon prochain roman, je me donne la même mission, mais je suis beaucoup plus en confiance, vu que j'ai déjà un éditeur qui est intéressé par ce que je fais et qui va me lire et m'accompagner. J'aimerais que mon deuxième roman soit deux fois plus absurde, deux fois plus satirique et deux fois plus divertissant.

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Maître Glockenspiel. Philippe Meilleur. VLB Éditeur. 176 pages.

EXTRAIT : 

« Perché au balcon du dernier étage de son palais, l'empereur astiquait sa bombe nucléaire préférée, Klaria. C'était une journée d'été à faire craindre les coups de chaleur et les orages violents ; la carapace argentée de l'arme apocalyptique était aussi brûlante qu'une étoile. Maître Glockenspiel la manipulait néanmoins à mains nues, insensible aux rougeurs qui s'imprimaient sur ses doigts. Il se servait d'un chiffon blanc humide pour nettoyer la pièce maîtresse de sa collection d'obus atomiques. À chaque passe, l'eau propre laissait sur le métal un voile de buée qui s'évaporait en une seconde. »

Image fournie par VLB Éditeur

Maître Glockenspiel