Le premier roman d'Olivier Kemeid porte sur un navigateur norvégien, Peter Tangvald, qu'il a croisé dans sa jeunesse. Tangvald était un puriste de la voile qui naviguait sans moteur et sans radio. Il en est mort. C'était le prix de sa liberté.

Peter Tangvald était un homme libre, mais sa passion sans concession de la voile a mis en péril ses proches, dont sept femmes, et sa propre existence. Pour son premier roman, Olivier Kemeid a plongé dans le destin sans pareil de cet homme complexe et fascinant qu'il a croisé à l'âge de 10 ans. Pour tenter de comprendre comment la soif de liberté peut mener à la mort. Explications d'Olivier Kemeid.

Voile

«Mes parents étaient marins à temps partiel. Quand j'étais petit, on s'exerçait sur le lac Champlain et l'hiver au large des Bahamas. Quand j'ai eu 10 ans, ils ont quitté leur job, se sont départis de tout et, pendant une année sabbatique, on a pris le bateau pour descendre l'Hudson et la côte est des États-Unis jusqu'aux îles Vierges britanniques.»

«C'était le temps de mes premiers écrits: un journal de bord où je raconte qu'on a rencontré les Tangvald à Porto Rico. J'étais très impressionné par le père, le fils et leurs liens. Mon père avait reconnu son bateau, l'Artémis, qu'il avait construit de ses propres mains. C'était une légende dans le monde de la voile.»

Rejet de la société

«Tangvald appartenait à la génération post-Seconde Guerre mondiale. Même s'il ne s'est pas battu, il était sans doute traumatisé par cette expérience. Il avait cette volonté de rompre avec la civilisation. Il se fatigue des hommes, peu importe où il jette l'ancre. Il n'est bien qu'au large, entouré d'eau. [...] S'il avait été un réel misanthrope, toutefois, il aurait vécu en ermite, mais il recherchait la compagnie des femmes. Je crois qu'elles ont changé son caractère.»

Sentiment de liberté

«L'idée d'amener avec soi sa maison dans un bateau, il n'y a pas plus grande manifestation de liberté. Cette idée aussi d'horizon jamais entravé, c'est grisant. Mon lien avec la mer est là. Quand je passe un an sans bouger, j'ai besoin d'y retourner. Je comprends cette idée de liberté de manière organique. Mais je reste un amateur de voile, un plaisancier du dimanche, comme dirait Tangvald.»

Admiration et répulsion

«C'est ce qu'on pouvait ressentir quand on rencontrait Peter Tangvald. Il pouvait avoir un côté très tranchant, peut-être pas méprisant, mais assez dur. Et, en même temps, quelque chose d'attachant, de mystique à la puissance 10. Il était avec une femme de 19 ans qui avait fondu pour lui. C'était un Casanova des mers. Pour le gamin que j'étais, il avait un côté magnétique. J'ai eu l'impression de rencontrer Ulysse, à la fois fabuleux et pas toujours sympathique. Tangvald était un immense personnage de roman.»

Père et mari

«Plusieurs l'ont critiqué pour son inconséquence. Quand sa femme a été tuée par des pirates, il n'était pas dans une condition physique pour faire de la voile. Je suis très critique face à son machisme et sa facilité de tirer un trait sur son passé. Il a eu trois autres enfants dont il parle à peine dans ses propres livres At Any Cost: Love, Life & Death at Sea: an Autobiography et Sea Gypsy

Filiation

«J'ai rencontré à 10 ans un petit garçon de mon âge, Thomas Tangvald, que je magnifiais. Son rapport à la mer était impressionnant. Il était comme un Mowgli de la mer, tout juste s'il n'avait pas de branchies. Parmi les relations qui m'ont marqué, sa relation avec son père était exceptionnelle. Ils se sont sauvés l'un l'autre de nombreuses fois, même s'ils ont couru à leur propre perte. Thomas portait en lui énormément de drames qu'il avait refoulés, comme la mort de sa mère, sous ses yeux, à 3 ans.» 

Don Quichotte ou Ulysse?

«C'est presque de l'ordre de Don Quichotte. Peter Tangvald n'avait aucun objectif précis, pas de record à battre. Dans ses livres, il n'a aucune ambition littéraire. Je me suis d'ailleurs demandé s'il ne s'agissait pas plus d'une fuite que d'une quête. Mais je n'ai pas la réponse. C'est ce qui fait la grandeur d'Ulysse, ou de toute vie humaine, dans le fond.»

___________________________________________________________________________

Tangvald. Olivier Kemeid. Gaïa Éditions, 224 pages.

PHOTO TIRÉE DE L’INTERNET

Peter Tangvald, sa femme Lydia et leur fils Thomas