Avoir un parent écrivain permet certainement de mieux comprendre les subtilités du monde littéraire, mais la filiation ajoute également une bonne dose de pression. Sans parler des frustrations - ou des joies - d'être la fille ou le fils de... Pour ce troisième rendez-vous, c'est au tour de Patrick et de Mikella Nicol de se confier à La Presse.

Patrick Nicol a toujours été proche de sa fille Mikella. L'auteur de La nageuse au milieu du lac est toutefois conscient que les relations familiales tendent à se transformer lorsque l'enfant atteint l'âge adulte et qu'il est privilégié de partager une passion et un métier avec sa fille, à qui l'on doit le roman Les filles bleues de l'été

Auteur de 10 romans et professeur de littérature, Patrick Nicol baigne dans les mots à temps plus que plein. Sa fille unique en fait tout autant, elle qui travaille comme libraire et qui vient de déposer un mémoire en création littéraire. 

«Je ne parle pas de beaucoup d'autres choses que de la littérature dans la vie, dit l'écrivain. Notre passion commune nous permet d'avoir une relation d'adultes autour de choses qui me préoccupent vraiment. Je peux continuer d'avoir un rôle dans sa vie. C'est vraiment valorisant.» 

Mikella croit, elle aussi, que leur amour de l'écriture est une plus-value à leur relation. «On se comprend quand on parle de ces choses-là, souligne-t-elle. J'aime lui faire lire ce que j'écris. Il n'y a pas de gêne.» 

Même si le point de vue paternel est le bienvenu, M. Nicol s'assure de faire preuve d'un grand tact. 

«C'est toujours fragile, quelqu'un qui écrit. Il ne faut pas lui jouer dans la tête ni lui imposer des règles.» 

C'est pourtant en observant son père que l'écrivaine aujourd'hui âgée de 25 ans a réellement compris le métier. 

«J'ai vu à quel point c'est du travail. Ce n'est pas toujours le fun et c'est très prenant, note-t-elle. Je ne peux pas imaginer les personnes qui n'ont aucun contact avec le milieu littéraire et qui ont l'impression que ça sort tout seul, comme si une histoire était de l'ordre de l'inspiration divine.»

L'exemple de l'exercice

Patrick croit lui aussi que la leçon qu'a tirée sa fille est primordiale. «L'influence la plus importante que j'ai eue sur elle, c'est de lui donner l'exemple de l'exercice, croit-il. Lui montrer qu'on peut être assis tout seul pendant des heures et travailler sur des objets que personne ne nous a demandés.» 

Sa fille s'est d'ailleurs montrée relativement précoce. «Quand j'étais petite, j'inventais des titres de livres et je trouvais des idées d'histoires dont je pourrais me servir un jour, se souvient-elle. Même si je voulais dire que le métier de mon père n'a aucun lien avec mon envie d'écrire, ce serait un peu impossible à nier.» 

Lorsque Patrick a compris que sa fille avait dépassé le stade de «l'adolescente qui écrit un journal», il s'est d'ailleurs demandé si elle écrivait seulement pour lui faire plaisir. Jusqu'à ce qu'il lise un de ses textes. «J'ai réalisé qu'elle avait beaucoup de talent! Même si c'est ma fille, je suis capable de juger si c'est bon ou pas. Néanmoins, ma femme et moi avons décidé de sortir du cercle familial pour avoir un jugement extérieur.» 

La tentation de la fuite

Si le talent naturel de Mikella et le soutien parental dont elle a bénéficié peuvent donner l'impression que la jeune fille a fait son chemin dans le monde littéraire en toute fluidité, des nuances s'imposent. L'écrivaine a d'abord tenté de fuir la carrière de son père. 

«Je sentais en moi un mouvement de répulsion et d'attraction. Je ne voulais pas suivre ses traces. Je pense que c'est un réflexe normal pour une personne de 17 ans qui doit choisir sa voie. Mais ça n'a pas duré longtemps. Je suis quand même allée à l'université en littérature.» 

Et à 22 ans, elle a publié son premier livre. «C'est étonnant de la voir publier si jeune», souligne Patrick, qui a publié son premier roman peu avant d'atteindre la trentaine. «Son talent est surprenant, ajoute-t-il. On sent chez elle une sorte de maturité qui est formidable.» 

Malgré la réception enthousiaste de ses proches et des critiques, Mikella ne retient pas uniquement du positif de ses débuts. «Le premier réflexe de tout le monde était de nous comparer, déplore-t-elle. Pourtant, ce n'est pas comme si nous faisions la même littérature.» Patrick observe aussi plusieurs différences dans leurs thématiques de prédilection et leurs styles, en précisant que l'écriture de sa fille est plus métaphorique. Toutefois, il croit que les Nicol sont du même côté de la littérature. 

«Nous sommes loin de l'écriture de genre et nous n'écrivons pas pour le grand public, dit-il. Nous avons tous les deux une très haute idée de ce qu'est la littérature.» 

Une vision que confirme Mikella. «On aime les mêmes choses dans la lecture. On a tous les deux fait des études supérieures en littérature et on a peut-être développé une idée semblable de la littérature, oui.» 

Apprenez-en plus sur Patrick Nicol 

Professeur de littérature au cégep de Sherbrooke et écrivain, Patrick Nicol a été finaliste au Prix littéraire des collégiens en 2016 avec son roman La nageuse au milieu du lac (Le Quartanier), 18 ans après avoir remporté le prix Alfred-DesRochers grâce au roman Paul Martin est un homme mort (VLB). Auteur de dix livres, il est sur le point de finir un nouveau roman, dont la date de publication n'a pas encore été déterminée. 

Apprenez-en plus sur Mikella Nicol 

En 2014, Mikella Nicol est entrée dans le cercle des auteurs publiés et salués par la critique avant d'avoir atteint 25 ans, elle qui en avait 22, lorsque son premier roman, Les filles bleues de l'été, est apparu sur les rayons. Travaillant depuis des années comme libraire à la Librairie de Verdun, l'écrivaine publiera son deuxième roman l'automne prochain aux éditions Le Cheval d'août. Par ailleurs, elle a récemment déposé son mémoire de maîtrise sur la solidarité entre femmes dans l'institution littéraire à l'Université du Québec à Montréal.

photo Annie Lafleur, fournie par l'auteure

Mikella Nicol a publié son premier roman, Les filles bleues de l'été, à 22 ans. Son deuxième livre est attendu l'automne prochain.