Et si les islamistes mettaient leurs menaces contre le pape à exécution? C'est la prémisse du roman Vaticanum de José Rodrigues dos Santos, un journaliste-vedette portugais dont les romans précédents, souvent comparés à ceux de Dan Brown, ont été des best-sellers au pays de Fernando Pessoa. La Presse l'a rencontré à son hôtel du Vieux-Montréal, durant une tournée de promotion des dernières aventures de Tomas Noronha, un cryptologiste sensible aux charmes féminins.

Comment avez-vous eu l'idée de Vaticanum?

J'avais pris la décision de ne jamais travailler sur le Vatican directement. C'est un sujet trop exploité, notamment par Dan Brown à qui on m'a comparé. Mais lors de la première messe du pontificat de François, que je regardais dans la rédaction de la télé portugaise, j'étais impressionné par la théâtralité des costumes, des gardes suisses. Je me suis dit que je ne pouvais pas laisser passer un sujet si riche sur le plan de la mise en scène.

Vous imaginez que les terroristes du groupe État islamique mettent à exécution leurs menaces contre François. Plusieurs vaticanistes notent qu'ils le jugent plus dangereux parce que contrairement à son prédécesseur Benoît XVI, il juge que l'islam peut être compatible avec la démocratie. Cette idée vous a-t-elle influencé?

Pour mon livre Furie divine [NDLR paru en 2009, puis en 2016 en version française], j'avais demandé à un dirigeant d'Al-Qaïda vivant en Éthiopie, que j'avais contacté par l'intermédiaire d'un imam de Lisbonne, de réviser ma description théologique et opérationnelle des groupes islamistes. J'ai beaucoup lu, je pense qu'effectivement il n'y a pas dans le Coran comme dans la Bible la possibilité de séparer l'Église et l'État. Il n'y a pas de «rendez à César ce qui appartient à César». Donc pour les islamistes radicaux, la démocratie est impossible. Il y a eu deux menaces contre lui, dont la dernière, en 2016, juste après la publication de Vaticanum en portugais.

Vous faites aussi intervenir la banque du Vatican, mêlée à plusieurs scandales depuis 40 ans. Pourquoi?

Il y a eu plusieurs essais sur cette banque et plusieurs romans en ont parlé, mais sans rigueur. Je voulais pallier cette lacune.

Et la mafia, que vous liez à la mort de Jean-Paul Ier en 1978?

Il y a plusieurs années, j'ai rencontré le romancier portugais Luis Miguel Rocha, qui m'a parlé d'un Italien avec qui il collaborait sur des scénarios à Londres. Cet Italien lui a un jour raconté qu'il avait assassiné Jean-Paul 1er pour le compte de la mafia. J'ignore si c'est vrai.

À la fin de votre livre, vous évoquez de nombreux autres attentats islamistes en Occident, notamment à Disneyland et au sanctuaire bosniaque de Medugorje. Pensez-vous que votre roman deviendra réalité?

L'hiver dernier, un homme armé a été arrêté à Euro Disney. Je pense que si les radicaux continuent à avoir des refuges, ils vont continuer à tenter d'expulser les chrétiens et les musulmans qui ne respectent pas la charia du Moyen-Orient, et à viser l'Europe pour reconvertir les terres auparavant musulmanes, les Balkans et la péninsule ibérique. La solution pour moi est l'éducation dans les pays musulmans, pour contrer l'influence des imams radicaux. Et l'Occident doit réaffirmer ses valeurs, notamment d'égalité entre les femmes et les hommes.

Justement, votre héros Tomas Noronha est un homme qui hésite à s'engager plus avant avec sa fiancée et qui flirte souvent avec d'autres femmes. Vous écrivez notamment que les hommes «chérissent par-dessus tout leur liberté». En Amérique du Nord, l'idée que les hommes sont différents des femmes est souvent critiquée.

Tomas n'est pas James Bond, il est un homme qui veut bien faire, avoir un couple stable, mais est faible devant la séduction des femmes. Je voulais qu'il soit en 3D, pas en 2D avec seulement des défis professionnels. Cela dit, je crois qu'il est politiquement correct de dire qu'il n'y a pas de différence entre hommes et femmes. Il y a des différences physiques évidentes. Et d'autres différences aussi: par exemple, ma femme est capable de faire plusieurs choses en même temps, mais pas moi. Je pense que le monde serait bien meilleur si les hommes étaient plus semblables aux femmes.



Votre finale dans la chapelle Sixtine rappelle les scènes de déduction finale, avec tous les suspects réunis, ce que fait Agatha Christie dans ses romans. Est-ce nouveau?

J'ai utilisé cette technique dans L'ultime secret du Christ. Elle est très efficace; l'important est de ne pas la reprendre toujours, pour ne pas que ça ait l'air d'une recette.

L'une des prophéties que vous évoquez dans Vaticanum est celle des bergers de Fatima. Est-elle importante au Portugal?

Je serai au 100e anniversaire des révélations de Fatima le 13 mai, dans une semaine. Ça va être couvert par tous les médias. Normalement, il y a environ 5000 personnes aux célébrations annuelles, mais là, il va y avoir beaucoup plus de monde. Chaque année, le bulletin de télévision que j'anime consacre un petit segment à l'anniversaire des secrets de Fatima.

Quatre prophéties vitées par Vaticanum

Prophétie de saint Malachie

Ce document a été publié à la fin du XVIe siècle par un bénédictin irlandais, qui l'a attribué à un compatriote du XIe siècle. Il s'agit d'une liste de 112 papes, à partir de Célestin II au XIIe siècle. Le 112e correspond à François, qui serait le dernier pape de l'histoire.

Les secrets de Fatima

Il s'agit de trois révélations qu'aurait faites la Vierge Marie à trois bergers portugais en 1917. La première décrivait l'enfer, la deuxième, dévoilée par l'Église en 1941, annonçait une autre guerre et s'inquiétait du sort de la Russie, alors que la troisième, révélé en 2000, évoquait l'assassinat d'un pape dans une ville en ruine, ce que Jean-Paul II considérait représenter la tentative d'assassinat dont il avait été victime en 1981.

Les visions de Pie X

Pie X est un pape du début du XXe siècle qui s'est opposé au modernisme, notamment à la loi de 1905 sur la séparation de l'Église et de l'État en France, avec comme conséquence la laïcisation des écoles et hôpitaux. Les catholiques schismatiques qui ont refusé les réformes du concile Vatican II, appelés lefebvristes, se réclament de lui. Sur son lit de mort en 1914, très affecté par la guerre, il voit une «mort cruelle» pour un pape.

Apparitions de Medugorje

Entre 1981 et 1984, six «voyants» affirment - avec des contradictions selon les sources - avoir vu plusieurs fois la Vierge dans un village croate bosniaque. Elle aurait pris position dans un litige local de l'Église et prêché la «réconciliation», ce qui a été lié à un massacre de Serbes orthodoxes par les oustachis croates pro-nazis en 1941. Un prêtre local qui a certifié ces apparitions a été emprisonné par les autorités communistes.

Sources: Vatican, Vaticanum

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Vaticanum. José Rodrigues dos Santos. HC Éditions. 633 pages.


HC Éditions

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