Un grand silence. C'est le souvenir que Patricia MacDonald conserve de la façon dont son premier roman a été reçu. « Pendant une dizaine d'années, mes affaires n'allaient pas très bien. En fait, elles allaient de moins en moins bien. Tout a changé quand j'ai été traduite en français. Je me souviens d'avoir été invitée au Salon du livre de l'Outaouais, d'y avoir rencontré une journaliste et d'avoir réalisé... qu'elle avait - vraiment - lu mon livre ! »

Et soudain, la romancière qui vit à Cape May, au New Jersey, avait trouvé ses lecteurs. Ils vivent dans la francophonie. Et ils lui sont fidèles : elle était parmi les invités devant lesquels il y avait une file lors du récent Salon du livre de Montréal, où La Presse l'a rencontrée pour la sortie de Message sans réponse, son 19e livre.

« Attention, 19e en français mais 18e en anglais ! », note celle qui - contrairement au titre de son livre - ne laisse ni les messages ni les questions sans réponse. Au contraire.

Et d'expliquer que son agente n'a jamais pu trouver preneur aux États-Unis pour Dernier refuge, son huitième manuscrit.

« C'est l'histoire d'une femme enceinte qui, battue par son petit ami, le quitte dès les premières pages. Personne n'en a voulu. Mais la semaine où il est sorti en France, il a été le numéro un des ventes. »

Pas d'amertume dans sa voix. Patricia MacDonald - qui s'exprime très bien en français, qu'elle a appris par respect pour son lectorat - est une femme sereine, solide. Qui ne se bat pas contre les moulins à vent. Ce qui n'empêche pas les prises de position. Et les joies et déceptions qui peuvent en découler.

Parlez-lui - exemple pas pris au hasard - de l'élection de Donald Trump. Au moment de son passage à Montréal, elle était encore sous le choc même si elle faisait partie de ceux qui disaient : « Attention, il peut gagner ! » « Plusieurs de mes voisins voulaient qu'on se réunisse, qu'on passe la soirée ensemble et qu'on boive du champagne au moment de la victoire d'Hillary Clinton - comme on l'avait fait pour celle d'Obama. Mais j'ai refusé, j'avais une prémonition. »

Le spectre orange

« C'est une situation horrible, poursuit-elle, mais malgré tout, j'en veux à ceux qui disent qu'ils vont partir. Pour moi, c'est simple, c'est MON pays, je ne le quitterai pas. » Même si ce pays sera bientôt dirigé par « ce magicien d'Oz qui pointe dans une direction pour distraire les gens et, dès qu'ils se sont retournés, fait ce qu'il veut ».

Dur, pour celle qui « a travaillé pour Obama plus que pour n'importe quel autre président. Je pensais qu'il serait le plus grand, qu'il permettrait de montrer au monde que notre pays était passé par-dessus les laideurs du passé. Mais le contraire s'est produit : dès le lendemain de l'élection, puisque nous avions un président noir, certains se sont senti le droit de dire tout ce qui leur passait par la tête, de laisser libre cours à leur racisme. »

La situation économique des États-Unis n'aidait pas. 

« Et voilà que ce ridicule showman avec des cheveux tangerine se pointe, dit à qui veut l'entendre qu'il va tout changer, que leur vie va être parfaite grâce à lui... et les gens le croient, veulent le croire. »

Bref, elle aurait préféré une nouvelle présidence Clinton, une Hillary « très qualifiée mais pas facile à travailler avec ». Même si, personnellement, elle aurait mieux aimé que la première présidente des États-Unis se soit faite par elle-même, qu'elle se soit fait valoir par ses propres réalisations.

Une femme ressemblant à celles que ses romans mettent en scène. Ici, Eden, éditrice new-yorkaise dont la mère, Tara, a quitté le foyer quand sa fille était adolescente, pour aller vivre avec un homme plus jeune qu'elle - de qui elle a eu un enfant handicapé. Mère et fille ne se voient plus depuis. Se parlent à peine. Ce soir-là, Tara lui téléphone. Eden ne répond pas. Le lendemain, elle apprend que sa mère est morte. Elle se serait suicidée après avoir tué son enfant.

Pour une fois, Patricia MacDonald n'a pas été inspirée par un fait divers, mais par sa propre famille. Le divorce acrimonieux de sa soeur, qui a alors rompu les liens avec ses fils. « La situation a été brutale. Et je sais les regrets que mes neveux auront si, un jour, il arrive quelque chose avant qu'ils ne se soient réconciliés avec leur mère. »

Il y avait là de l'émotion. C'est le terreau privilégié de la romancière. Sadique ? Non. Efficace.

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Message sans réponse. Patricia MacDonald. Traduit par Nicole Hibert. Albin Michel, 306 pages.

Image fournie par Albin Michel

Message sans réponse, de Patricia MacDonald