Dans Conversations avec un enfant curieux, son nouvel ouvrage qui sera en librairie mercredi, Michel Tremblay recrée des conversations loufoques de son enfance. Autour de la religion et des idées reçues  de l'époque, ces dialogues avec les membres de sa famille sont savoureux. Un voyage sans nostalgie.

Bras derrière le dos, joues roses, toupet bien coiffé, l'enfant qui nous fixe sur la photo semble sage comme une image. C'est Michel Tremblay, en 1945. Il vient d'avoir 3 ans. La guerre à peine terminée, sa mère l'a endimanché pour l'amener au studio du photographe, chez Dupuis Frères.

Toutefois, les images peuvent mentir. En lisant Conversations avec un enfant curieux, on découvre que ce petit garçon n'est pas si sage. Il pose trop de questions. Il aime jouer avec la patience de ses proches. «Enfant insignifiant!», lui lance sa mère quand son garçon fait preuve de mauvaise foi. Elle ne se doute pas qu'un jour, la curiosité de son cadet va l'aider à créer une fresque, une oeuvre, l'une des plus importantes de la littérature contemporaine. 

Le nouveau livre de l'auteur des Chroniques du Plateau Mont-Royal s'ouvre avec cette citation: «Le passé est un lieu de référence et non un lieu de résidence.» Pour Tremblay, les souvenirs d'enfance sont précieux. Plus encore, ils sont essentiels. Pas étonnant qu'il puise sans cesse dans ce «coffre à trésors». 

À 74 ans, l'auteur a cru avoir fait le tour de son jardin. Il avait mis le point final à sa comédie humaine, avec La traversée du malheur, dernier volet de La diaspora des Desrosiers. Or, à l'automne 2015, le magazine Châtelaine lui demande de signer un conte de Noël pour son numéro des Fêtes.

Le récit qui m'a sauvé la vie

«Ce conte, La crèche, m'a sauvé la vie», dit l'écrivain, parce qu'il lui a donné l'idée de son nouveau livre, construit sous forme d'instantanés, glanés dans des épisodes de son enfance.

«J'ai bâti le récit autour des questions que je me posais sur la religion», explique Tremblay, rencontré cette semaine dans son chaleureux condo qui surplombe le Plateau Mont-Royal. 

«Ma mère était croyante et nous allions à l'église. Mais elle avait un sixième sens qui l'empêchait de croire aux exagérations de la religion catholique. Elle se méfiait aussi des curés, si leur discours n'avait aucune logique, aucun sens.»

Ainsi, le secret de Fatima, la vie des saints et certaines paroles d'Évangile ne passaient pas chez les Tremblay. «Dans les années 40 et 50, le clergé jugeait les gens qui ne récitaient pas le chapelet en famille, se rappelle l'auteur. On qualifiait de "mauvaise mère" une femme qui n'avait pas d'argent pour payer la dîme au curé de sa paroisse!»

La grand-mère du fils de la Grosse Femme prend aussi ses distances avec le clergé. Dans Conversations..., elle se demande comment un chef-d'oeuvre comme Notre-Dame de Paris est mis à l'Index: «Les livres à l'Index, c'est juste pour faire peur au monde, pour les empêcher de lire des affaires intéressantes», dit-elle à son petit-fils.

Chez Tremblay, le passé éclaire constamment l'avenir. Cet opus ne fait pas exception à la règle. Point de nostalgie dans ce récit. Pas de tristesse dans ces souvenirs. Plutôt un bouillon de réconfort, à travers des dialogues drôles et «punchés» - Michel Tremblay est un grand dialoguiste.

Conversations avec un enfant curieux nous a inspiré une visite sur les traces de l'enfance de l'auteur de Thérèse et Pierrette à l'école des Saint-Anges. Le Plateau jadis ouvrier et populaire... «mais pas pauvre». Là où Tremblay est né et a grandi dans une famille nombreuse, entouré de femmes authentiques et aimantes. Le lieu qui lui a permis de réinventer le monde pour échapper à la tyrannie du réel. 

_________________________________________________________________________

Conversations avec un enfant curieux. Michel Tremblay. Leméac. 152 pages.

Photo fournie par les éditions Leméac

Conversations avec un enfant curieux, de Michel Tremblay