Retour en librairie pour Marie Gagnon après une éclipse de 10 ans. Elle n'a jamais arrêté d'écrire, mais avait besoin de recul et d'une pause avant d'enfanter La mort du pusher.

Ce n'est pas qu'un flot de mots, c'est un tsunami d'émotions, d'idées, de souvenirs mêlés que laisse sortir Marie Gagnon. Après un silence salutaire de 10 ans, l'auteure est prête à nouveau à donner, aider, aimer.

«Je me suis retirée du milieu littéraire, mais je n'ai jamais cessé d'écrire, confie-t-elle. La télé, les médias, je n'étais plus capable. Puis, j'ai dû faire un autre trois ans de prison à Joliette avec cinq ans de probation surveillée. Les policiers venaient chez moi. Je n'étais plus capable de sortir. C'est comme si je ne pouvais plus communiquer avec les êtres humains. En prison, je portais des écouteurs pour ne pas entendre les gens me parler. Je portais un masque.»

Après cinq livres, recueil de nouvelles et romans, elle avait besoin de se retrouver seule avec elle-même. Trop de trop dans sa vie jusqu'ici. Trop de drogue, de prison, de médias... Elle attire le trop parce qu'elle donne trop. Aujourd'hui, elle se connaît mieux.

«J'ai toujours voulu sauver les gens. Je veux la paix. Je suis fatiguée dans l'âme. Je veux parler pour ceux qui ne le peuvent pas.»

Comme dans ses autres livres, son nouveau roman s'inspire de sa vie d'errance pour raconter la rédemption de Jos, le mafieux italien qui tente de s'en sortir. Un personnage détestable qu'on finit par comprendre, qui passe de sale type à homme de coeur et d'honneur. L'amie de Jos, Emma, c'est un peu Marie Gagnon.

«J'ai vécu pas mal tout ça. La famille de Jos, c'était tellement important pour lui. Il se voyait comme un raté de ne pas avoir réussi dans la mafia en raison de la drogue. Il savait qu'il allait mourir. Ils le savent tous que ça va arriver. Ils sont lucides», fait-elle, émue.

Guido Molinari

Dans ce roman, l'auteure raconte aussi pour la première fois son amitié avec Guido Molinari, grand peintre mort en 2004.

«Il assistait à mes lancements de livres sans que je le sache. Il m'écrivait quand j'étais en prison. Il est venu me voir avec un panier de fruits et des livres d'Amélie Nothomb. Je l'ai connu comme ça. Il avait lu Les héroïnes de Montréal. Guido a été longtemps mon protecteur. Il voulait faire partie de l'un de mes livres. C'était ma façon de lui rendre hommage.»

En lisant La mort d'un pusher, on serait tenté d'y voir des exagérations sur le monde de la mafia et de la drogue. Marie Gagnon assure que non. Des histoires, elle en a des milliers. Ce livre-ci sera suivi d'un recueil de nouvelles, d'un roman fantastique et d'un autre sur les gangs de rue.

«J'ai romancé certains faits, mais il y a bel et bien une fumerie d'opium à Montréal. Le gourou vendeur de drogue n'existe pas, mais il y a des gens qui vivent sur les toits l'été à Montréal. On y accède par les escaliers de secours. Je jure que c'est vrai.»

Marquée à vie

Et tout d'un coup, on comprend le fleuve qui coule de ses lèvres et le feu qui brûle dans ses yeux: la vie l'a marquée profondément. On ne peut avoir connu l'enfer sans avoir besoin d'en parler.

«Toute ma vie, j'ai vécu l'errance. J'ai couché dans les toilettes de garage. Je suis allée en Espagne avec mon copain pour faire notre sevrage d'héroïne. Avec la méthadone, au début, je vomissais vert. Pendant trois mois, je n'ai jamais dormi. J'aurais choisi l'enfer plutôt que de continuer.»

Aujourd'hui, elle a envie de sincérité, de profondeur. Out le superficiel, l'hypocrisie, finies la drogue et la prison. 

«Je ne serais plus capable. C'est très sérieux et solide. Ça fait sept ans. Je bois de l'eau et fais de l'exercice tous les jours. J'ai beaucoup d'énergie. Je vis avec mon père. Il a toujours été là pour moi, alors je tiens à l'aider avec sa maladie. Je l'aime.»

Grands parleurs

Ce qu'elle aime moins, par contre, ce sont les grands parleurs de toutes sortes qui, sur diverses tribunes, s'improvisent victimes de circonstances. Elle ne se voit pas comme telle... et pourtant!

«Faire du temps, c'est du temps. C'est comme être devant une forêt de tant d'hectares et dire que tu la connais parce que tu la vois. Si tu n'as pas dormi dans la forêt, tu n'y as pas mangé ni senti le froid, tu ne connais pas la forêt. Les marginaux sont importants. En dedans, on essaie d'uniformiser les gens, pas seulement par le vêtement, mais dans le coeur et la tête. J'ai fait 11 thérapies où l'on m'a dit de m'affirmer. Dans une autre, après m'être affirmée, ils m'ont dit que je devais gérer ma colère. C'est fini, tout ça.»

Jeune, cette merveilleuse femme d'absolu a voulu être soeur, astronaute, journaliste, missionnaire. Elle se contenterait bien d'être écrivaine, maintenant.

Marie Gagnon a été trop longtemps incapable de dire non. «Je me suis mise dans des problèmes, des fois. J'ai déjà volé pour des gens que je ne connaissais pas.» Ça semble loin. Elle a vu trop de gens mourir autour d'elle.

«J'ai tellement vécu chaque seconde de ma vie comme si c'était la dernière. J'ai toujours eu peur, froid, faim. Je suis plus stable maintenant. Je suis une fille positive, je n'ai jamais été amère. Je n'ai jamais voulu me suicider, pourtant j'ai vécu tellement. J'aime écrire et je suis passée à une autre étape. Maintenant, je sens plus de liberté. J'en retire davantage de plaisir. Je veux et je peux aller plus loin.»

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La mort du pusher. Marie Gagnon. Les Éditions XYZ. 214 pages.



Image fournie par Les Éditions XYZ

La mort du pusher, de Marie Gagnon