En écrivant J't'aime encore, texte touchant et drôle sur le couple et l'amour qui peut durer toujours, Roxanne Bouchard se doutait bien qu'on la traiterait de fleur bleue. «Mais ça ne me dérange pas», répond-elle quand on lui dit gentiment qu'en effet, ce thème n'est peut-être pas très à la mode.

«Mais Les maisons de Fanny Britt, c'était aussi exactement ça! Fanny Britt et moi, même combat...», rigole l'auteure qui ajoute que de toute façon, à «presque 44 ans», elle est «trop vieille» pour être à la mode.

Comme Fanny Britt en effet, Roxanne Bouchard s'en prend dans son livre au diktat de la liberté à tout prix, tout en rendant hommage à la beauté du quotidien. «Comme si le bonheur individuel ne passait que par l'exploration de toutes les libertés, qu'elles soient sexuelles, amoureuses, professionnelles.»

«Si tu vas en voyage et que tu as une aventure érotique en plus, ajoute-t-elle, t'es vraiment au summum! Mais il y en a sûrement pour qui ce n'est pas ça.» Elle avait pourtant terminé son précédent roman, Nous étions le sel de la mer, avec le départ en voilier de son héroïne... Un paradoxe, mais pas tant que ça, croit-elle.

«Partir seule en voilier ou s'acheter une maison avec son chum, c'est peut-être pas plus fleur bleue l'un que l'autre! En ce moment, je suis en couple, j'ai un plaisir à être fidèle, engagée. Mais c'est vrai qu'un des défis de ce texte était de l'écrire sans être quétaine.»

Mission accomplie pour cette auteure vraiment drôle, dotée d'un grand sens du détail qui tue et de l'ironie douce-amère. 

«C'est ma manière de fonctionner comme auteure... J'ai compris que si je fais rire les gens au début, je peux ensuite les faire pleurer, les émouvoir...»

La protagoniste de J't'aime encore, Marjolaine, est une femme au bord de la crise de nerfs. Mère d'un ado et d'un bébé, elle gère la maisonnée tout en s'occupant du permajardin de son chum, en se demandant où sont passés les rêves de ses 20 ans, quand elle avait une carrière de comédienne à portée de la main. Et puis un soir, l'occasion de rompre avec le quotidien se présente...

«Je dirais que ce n'est pas tant un texte sur l'amour que sur le doute. Sur la crise de la quarantaine et le doute», dit Roxanne Bouchard. Pourquoi aime-t-on? Qu'est-ce qui fait qu'on reste fidèle? Ce sont quelques-unes des questions qu'elle pose, estimant que le besoin de sécurité et de stabilité est pour plusieurs plus fort que tout le reste.

«Réconfort est selon moi un des plus beaux mots de la langue française. Quand tu as la possibilité de déserter ta vie, qu'est-ce qui fait que tu restes? Parce que c'est un enracinement plus profond. Et que le réconfort, ben, peut-être que c'est pas niaiseux.»

Théâtre

J't'aime encore n'est pas présenté comme un roman mais comme un «monologue amoureux», puisque le livre est l'adaptation d'une pièce de théâtre qu'elle a écrite à la demande de la comédienne Marie-Joanne Boucher. La première a d'ailleurs eu lieu la semaine dernière... à l'église de Notre-Dame-des-Prairies, dans Lanaudière.

«On a eu une subvention de recherche et création. Mais je pense qu'il y a quelques compagnies qui seraient intéressées à la produire.»

La pièce est donc un solo dans lequel Marjolaine se parle à elle-même, rejoue des conversations, s'adresse aux spectateurs. «C'est toute une performance d'actrice car le seul décor, c'est un lutrin, une table et une chaise.» Mais comme le texte peut ressembler à un roman narré au «je» - «Il y a même des dialogues » - , à peu près rien n'a été modifié pour la publication du livre. Seul ajout par rapport à la pièce: une introduction et des didascalies au «vous», dans lesquelles un spectateur anonyme réagit à ce qu'il entend, observe sa compagne, réfléchit sur sa vie.

Tant pour la pièce que pour le roman cependant, l'idée est restée la même dans la tête de Roxanne Bouchard: offrir un texte feel-good «pour que les gens aient envie de dire à leur chum ou à leur blonde: j't'aime». Prof de littérature au cégep de Lanaudière depuis 22 ans, l'auteure voit ce désir des jeunes d'être amoureux et fidèles. «Les jeunes, ils vivent des péripéties de toutes sortes, mais ils ont envie d'être en amour. Pourquoi on ne leur parle pas de ça? Parce qu'on a peur d'être quétaines...»

Récits sur l'armée

Est-ce que ce projet un peu lo-fi a été fait en attendant un gros roman plus consistant? Roxanne Bouchard sourit et avoue que J't'aime encore lui a permis de faire une pause dans la recherche et l'écriture d'un livre de plus grande envergure, constitué de récits sur l'armée, ce qui l'a amenée à faire beaucoup d'entrevues avec des soldats.

«J'en faisais des cauchemars. Un psy que j'ai consulté m'a expliqué que j'étais en train d'avoir un syndrome post-traumatique par empathie! J'ai arrêté pendant un an, là j'ai repris, je dirais que j'ai 200 pages sur 300 de prêtes. C'est très intense. Il n'y a pas juste du drame, mais c'est sûr que c'est un autre ton que celui-ci. Je ne pense pas que là, on pourra me traiter de fleur bleue!»

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J't'aime encore. Roxanne Bouchard. Vlb éditeur. 117 pages.

Image fournie par la VLB Éditeur

J’t’aime encore, de Roxanne Bouchard