Après trois romans et un recueil de nouvelles, Joseph Boyden a déjà été consacré grand auteur canadien par la presse internationale. Résultat, les producteurs s'agitent. Ici et ailleurs.

Après l'entrevue accordée à La Presse lors du festival Metropolis bleu la semaine dernière, le romancier Joseph Boyden dînait avec le producteur Robert Lantos et le cinéaste québécois Yves Simoneau. 

«Ils veulent adapter mon deuxième roman, Les saisons de la solitude. J'en suis très heureux», déclare-t-il. 

Pendant ce temps au sud de la frontière, Robert Redford et Graham Yost sont les coproducteurs de l'adaptation de son plus récent roman, The Orenda (Dans le grand cercle du monde), en minisérie. 

«Nous préparons le pilote qui sera diffusé, si tout va bien, par la chaîne FX aux États-Unis. J'ai écrit le scénario.»

Dans le grand cercle du monde démontre que Hugh McLennan s'est trompé. Il n'y a pas deux, mais bien trois solitudes au Canada, les francophones, les anglophones et les Premières Nations. Quoi d'autre que la solitude peut expliquer notre surprise à l'égard des conditions de vie déplorables de nombreuses communautés autochtones, comme Attawapiskat?

«C'est un traumatisme intergénérationnel. Les derniers pensionnats autochtones ont fermé en 1996. C'était une tentative de génocide culturel et ce sont les retombées. Ils ont besoin d'aide et cela ne veut pas dire les déplacer en ville. On n'éloigne pas un malade de la médecine qui peut l'aider. J'en suis un exemple. On peut vivre un pied dans le monde contemporain et un autre dans la nature.»

Novella

Partageant son temps entre La Nouvelle-Orléans, où il enseigne, et le nord de l'Ontario, où il est né, Joseph Boyden poursuit donc sa route à sa façon. Loin des diktats du commerce et avant son prochain roman, il publiera à l'automne une novella «qui m'enthousiasme beaucoup, dit-il, très poétique, comme un long poème narratif qui se déroule dans les années 60, où je suis né».

D'ascendance amérindienne, écossaise et irlandaise, Joseph Boyden aurait pu être un autre type d'écrivain. Plus jeune, il a essayé. 

«Quand j'ai commencé à écrire dans la vingtaine, ce n'était pas à propos des Premières Nations, mais je sentais que le coeur n'y était pas. J'ai commencé à écrire de petites histoires à propos d'un bingo sur une réserve. Puis toutes ces voix sont venues à moi.»

Son canot n'a pas navigué en eaux tranquilles dans sa jeunesse. Dans un article récent publié dans le Maclean's à propos d'Attawapiskat, Joseph Boyden a évoqué sa tentative de suicide à l'âge de 16 ans. Il souligne l'importance de l'éducation pour les autochtones, d'une éducation impartiale.

«L'écriture m'a choisi et m'a sauvé. Ça peut paraître cliché, mais c'est vrai. Moi, j'ai étudié au collège Brébeuf de Toronto, d'où on m'a renvoyé. Ma mère est d'origine ojibwée et écossaise et on m'enseignait que les autochtones étaient des sauvages. Ça me contrariait. C'est une vision manichéenne de la réalité.»

L'autre histoire

Depuis plus de 10 ans, il s'efforce de renverser les clichés et les stéréotypes en fictionnalisant l'autre histoire du Canada. Dans le grand cercle du monde donne la parole à trois narrateurs: le guerrier wendat Oiseau, sa prisonnière iroquoise Chutes-de-neige, qu'il adoptera, et le jésuite Christophe. 

«Les trois voix donnent beaucoup de force au récit, je crois. Je voulais jouer avec ça. J'avais besoin de la jeune fille. Elle est apparue déjà toute construite dans mon esprit, ce qui m'arrive rarement. Oiseau est intéressant aussi parce qu'au début, il tue une famille entière, mais je pense qu'on finit par aimer ce personnage.»

Le jésuite, quant à lui, n'est ni bon ni méchant. Joseph Boyden ne croit pas aux héros traditionnels. 

«La vie est complexe. Et la fiction devrait être capable de le démontrer. Je n'aime pas les personnages tout blancs ou tout noirs. J'aurais pu faire du prêtre un vrai méchant, mais comme écrivain, cela ne m'aurait pas plu.» 

«C'est d'abord un roman d'aventures, poursuit-il. Il y a un message, mais il ne prend pas le dessus sur l'histoire. Mes personnages et le récit priment et le reste doit s'imposer naturellement. J'ai voulu montrer le début de la destruction d'une belle culture, celle des Iroquois et des Hurons-Wendats, qui a été accélérée par l'arrivée des Européens.»

Il y est aussi question de torture, d'exploitation sexuelle, d'amour et d'amitié dans cette épopée qui se déroule entre la baie Georgienne et la ville de Québec, le long de la route du commerce des fourrures et des guerres autochtones.

«Mon seul regret dans ce livre est de ne pas avoir montré tous les aspects des Haudenosaunes [Iroquois]. C'était un peuple de grands guerriers et aussi de pacificateurs. Peu de gens le savent, mais leur loi de paix a inspiré Benjamin Franklin lors de la rédaction de la Constitution américaine.»

Dans le grand cercle du monde. Joseph Boyden. Albin Michel, 598 pages.

Les livres de Joseph Boyden

Three Day Road (2005), Le chemin des âmes (2006). Prix Amazon 

Born With a Tooth (2006), Là-haut vers le nord (2008). Nouvelles.

Through Black Spruce (2008), Les saisons de la solitude (2009). Prix Giller, traduit en 15 langues.

The Orenda (2013), Dans le grand cercle du monde (2014). Prix littérature-monde de l'Agence française de développement.

IMAGE FOURNIE PAR ALBIN MICHEL