Un quatrième roman, Naufrage, dont le lancement a lieu demain. Une tournée française ce printemps avec Mort-Terrain sous le bras, son troisième roman qui a remporté l'an dernier le prix France-Québec. Le tournage cet été de La chute de Sparte, adaptation cinématographique de son deuxième roman, qu'il a coscénarisée avec le réalisateur Tristan Dubois. C'est clair, le Loco Locass Biz est en train de réussir son virage post-rap avec brio.

«L'année 2016 tournera autour de ma création et j'en suis très heureux», dit l'auteur, qui précise que Loco Locass «existera tant que l'un des trois membres ne sera pas mort», mais que pour l'instant, le groupe est «en jachère».

«Ça nous avait pris huit ans avant de faire le précédent album. On n'est pas pressés. Loco Locass, c'est avant tout une cellule de création.»

Depuis plusieurs années, le chanteur de 43 ans ne s'en cache pas: il ne se voit pas faire du rap jusqu'à 80 ans. La dépression qui l'a frappé il y a quelques années, et qui a mené à son premier roman, Dérives, lui a permis de trouver sa nouvelle voie: écrivain.

Trois romans plus tard, il admet qu'il y a pris goût. «Récemment, j'ai indiqué pour la première fois sur un formulaire que j'étais écrivain, avant d'écrire rappeur. L'important est le moyen de s'exprimer. Ça adonne qu'en ce moment, les histoires que j'ai à raconter prennent plus que deux minutes, elles prennent 200 pages», dit celui qui signe avec Batlam (Sébastien Ricard) tous les textes de Loco Locass.

Cacher la voix

Son côté rappeur est peut-être dans l'ombre, mais Biz n'a pas l'intention de reprendre son nom de Sébastien Fréchette pour autant. «C'est mon nom d'artiste. Non, il ne me pèse pas, et après quatre romans, je suis pris avec jusqu'à la fin de mes jours!»

S'il s'appelle toujours Biz, l'auteur fait par contre un effort pour que sa voix, reconnaissable entre toutes, ne soit pas «audible» dans ses romans. «J'ai essayé de la faire taire parce qu'elle est tellement nasillarde qu'elle peut être fatigante pour ceux qui l'entendent. En même temps, elle est caractéristique, et je sais que c'est cette notoriété qui me permet d'être ici avec toi aujourd'hui pour parler de mon livre.»

Attablé devant une poutine dans un resto de la Plaza St-Hubert, Biz, qui est conscient qu'il doit être à la hauteur des attentes que la popularité lui confère, est plus affable que son personnage public. La discussion autour de Naufrage nous confirme qu'il s'est adouci. Oui, il est toujours fâché et indigné, mais son indignation a pris une autre forme.

«Ce n'est pas un virage à 180 degrés, plutôt une légère correction dans ma trajectoire.»

«Ça ne m'intéresse plus de faire la morale au monde, ajoute-t-il. Je sais que je l'ai déjà fait avec le rap. Il n'y a pas plus moraliste qu'un jeune, et c'est correct. Par exemple, c'est facile de dire aux adultes d'arrêter d'utiliser des couches jetables, mais quand tu as les deux mains dans la m..., c'est une autre affaire ! Comme mon personnage: je ne le juge pas, j'ai de la sympathie pour lui. Le monde a plus besoin d'empathie que de jugement et d'opinion.»

Le personnage central de Naufrage, c'est Frédérick, fonctionnaire qui vient de se faire tabletter dans un processus de fusion de ministères. Sa vie sera bouleversée par un événement dramatique dont il sera responsable - mais dont on ne peut rien dire ici, puisqu'il survient au milieu du roman et qu'il en est le point de bascule.

«J'avais envie de parler de trois thématiques: la culpabilité, la compassion et le pardon. Je sais, c'est très judéo-chrétien, mais comme auteur, je ne prends pas position. S'il y a une morale, c'est celle de chaque lecteur qui réagit par rapport à ce qui est arrivé.»

Famille

Biz étant Biz, il aborde aussi une foule de sujets d'actualité: les radios de Québec, les réseaux sociaux, la couverture de la météo, les politiques d'austérité... «L'important n'est pas que Frédérick pense comme moi, c'est que ce soit cohérent avec le personnage.»

Frédérick sera sauvé par l'écriture, un peu comme Biz l'a été. Et au-delà de tout cela, Naufrage reste un hommage à la famille comme rempart contre la folie du monde extérieur, et la déclaration d'amour d'un père à ses enfants.

«C'est pour ça que le livre s'appelle Naufrage. Ce n'est pas la suite de Dérives, mais un écho. Dans les deux livres, c'est vrai, il y a le désir de parler de l'amour qu'ont les parents pour leurs enfants.»

Biz espère continuer à écrire des romans qui suscitent réflexion et discussion, comme c'est le cas avec Naufrage. Et s'il a un défi d'écrivain, ce serait d'écrire un jour un roman historique.

«C'est une ambition lointaine. Il faudra que je sois plus vieux et bien meilleur. Mais écrire sur le présent me va aussi très bien. Quand je lis sur le passé et le présent, ça me rend plus conscient et plus heureux de vivre dans mon époque.»

___________________________________________________________________________

Naufrage. Biz. Leméac, 133 pages. En librairie demain.

Les quatre romans signés Biz

Dérives (2010)

Premier roman très intime qui parle de la difficile expérience de la parentalité, lorsque la réalité se heurte à l'idéal proposé. Ce livre, inspiré de la dépression dans laquelle Biz était plongé lors de la naissance de son fils, a reçu un bon accueil critique.

La chute de Sparte (2011)

Dans ce roman qui a remporté le Prix du livre jeunesse des Bibliothèques de Montréal, Biz donne la parole à Steeve, un ado qui attend la fin de sa cinquième secondaire comme une délivrance. L'auteur a scénarisé son propre livre pour le cinéma, et le tournage devrait commencer au mois d'août.

Mort-Terrain (2014)

La fuite en avant d'un médecin parti travailler dans le fond de l'Abitibi après une peine d'amour. Dans le village de Mort-Terrain, le débat fait rage autour d'un projet minier et les camps s'affrontent. Ce troisième roman de Biz, gagnant du prix France-Québec 2015, est social, politique et mystique. L'auteur est en train de travailler sur une première version de scénario pour le cinéma.

Naufrage (2016)

Frédérick Limoges forme une famille heureuse avec sa femme Marieke et son fils Nestor. Après avoir été tabletté pour cause de fusion de ministères, le fonctionnaire verra sa vie basculer quand un drame terrible, dont il est la cause, surviendra. Plus rien ne sera pareil.

Dérives (2010)