Un premier album à succès s'avère aussi enivrant qu'étourdissant. Les soeurs Boulay ont perdu leurs repères pendant les tournées de leur premier album, Le poids des confettis. Mais après des questionnements, des voyages et des révélations, elles ont fini par trouver «leur maison» au 4488 de l'Amour, sorti vendredi. Entrevue.

«Nous étions fatiguées à la fin de la dernière tournée. Nous avons senti le besoin de prendre nos distances par rapport au métier. C'est pourquoi nous sommes parties en voyage», raconte Mélanie Boulay.

La cadette des soeurs Boulay s'est plongée dans le tumulte inspirant de l'Inde, alors que Stéphanie s'est baladée au Costa Rica, à La Nouvelle-Orléans et au Mexique. «En même temps, j'écrivais un livre, précise l'aînée. Je ne suis pas capable de décrocher de l'art en général...»

Stéphanie Boulay a accouché - intensivement et intuitivement - d'un livre fictif et non humoristique. Or, elle avait dévoilé les habiletés comiques de sa plume sur le site (dit «journal intime commun») Les populaires.

«Mes amis qui ont lu mon livre ne comprennent pas comment j'ai pu écrire cela. Cela sort de nulle part. Comme si une histoire était passée à travers moi.»

Précieux temps

Reposées à leur retour de voyage, Mélanie et Stéphanie Boulay ont fait de l'ordre dans leur vie.

Les aléas et les abus de tournée commencent souvent dans le bonheur pour faire place à un besoin d'équilibre. «On est déraciné de tout, sans structure», illustre Stéphanie.

Sa soeur et elle ont changé leurs habitudes de vie. Il n'y a pas 10 000 recettes. Elles ont dit au revoir à la cigarette et elles ont intégré le sport et une meilleure alimentation à leur quotidien.

«Il faut garder du temps dans son agenda», fait valoir Mélanie.

Arrive le jour où des filles qui disent oui à tout doivent apprendre à dire non. Lors de la sortie de leur premier album, Le poids des confettis, en mars 2013, Les soeurs Boulay constataient déjà que le succès avait un impact sur leur candeur.

«C'est déjà commencé, se désolait alors Mélanie à La Presse. Mon Dieu, c'est tellement difficile, apprendre à devenir des filles de caractère. Dire non. Décevoir des gens. Mais il faut le faire, car sinon, c'est nous-mêmes qu'on brime.»

Ce que Les soeurs Boulay craignaient a fini par arriver. «Enfin, nos rêves étaient devenus réalité et la musique était notre priorité numéro un, dit la brunette 30 mois plus tard. Mais nos rapports humains et notre santé mentale avaient pris le bord.»

Toute épreuve permet d'avancer. À travers leurs remises en question, Stéphanie et Mélanie Boulay ont préservé leurs amitiés les plus fortes et les plus significatives. Elles ont appris à établir une frontière entre le travail et la vie personnelle.

Aujourd'hui, leur amour de la musique et leur relation (autant professionnelle que familiale) sont au beau fixe. Les deux soeurs vivent ensemble à Montréal dans un «genre de commune» moderne d'artistes baptisée «4488 de l'Amour».

Elles s'y sentent comme «à la maison» au sens propre comme au figuré, explique Stéphanie. «Cela fait du bien après l'errance et après s'être senties déracinées de la Gaspésie depuis longtemps, mais pas Montréalaises à 100%.»

Grâce à ses chansons Maison et Les couteaux à beurre notamment, l'album 4488 de l'Amour représente un «port d'attache» pour Les soeurs Boulay. L'état de «se sentir à sa place».

Retrouver Philippe B

Reposées à leur retour de voyage, Mélanie et Stéphanie Boulay ont mis de l'ordre dans leur vie, disait-on. Les deux auteures-compositrices-interprètes ont également fait un tri dans leurs compositions. Certaines écrites sur la route dans le doute et d'autres nées à la dernière minute.

Des pièces où les jeunes femmes disent les choses sans détour, en s'éloignant de leur image «cute» et «rose bonbon». Dans les titres Gab des Îles et Alexandre, difficile de départager le vrai du faux.

«On laisse le flou, lance Stéphanie. Mais je dirais que les textes sont plus bruts et plus intimes. Des gens nous ont dit qu'ils étaient même gênés en écoutant certains bouts.»

Les soeurs Boulay ont repris la formule de l'album Le poids des confettis en la bonifiant. Elles ont renoué avec Philippe B à la réalisation et avec des arrangements authentiquement folk.

«Philippe nous size tellement. Il a senti comme nous qu'il fallait aller un peu ailleurs», raconte Mélanie.

Elle cite les mariachis de Jus de boussole, la «vibe beach» de Maison. Il y a d'autres titres plus chargés comme Fais-moi un show de boucane et Sonne-décrisse. Et une première pièce au piano avec la ballade Prière.

Les soeurs Boulay ont voulu miser sur leur énergie et leur chimie, quitte à avoir des enregistrements imparfaits, mais authentiques. «Nous avons un nouveau mot d'ordre: celui qui a le premier flash d'une toune a un droit de veto», explique Mélanie.

Résultat: la création a été plus «équilibrée». Les soeurs Boulay ont fait appel en studio aux guitares électriques de Gabriel Gratton et de Jesse Mac Cormack, au talent de batteur de Vincent Carré et de Samuel Joly, et aux instruments à vent de Renaud Gratton et de Jérôme Dupuis-Cloutier.

Les soeurs Boulay ressentent moins de pression qu'à l'époque de la sortie de leur premier album qui a suivi leur sacre aux Francouvertes. Pour 4488 de l'Amour, le processus a coulé de source avec des collaborateurs de longue date. «Cela s'est fait en famille», résume Stéphanie.

Les deux soeurs s'assument: elles préfèrent être intègres plutôt que de faire du «service à la clientèle». Elles ont sincèrement hâte de remonter sur scène en formule trio, avec Gabriel Gratton ou Manuel Gasse qui seront des «hommes-pieuvres» aux cordes, au clavier et aux percussions.

«Hâte de repartir sur la route et de sentir l'effet que nos chansons font aux gens», dit Stéphanie Boulay.

FOLK-POP. LES SOEURS BOULAY. 4488 DE L'AMOUR. GROSSE BOÎTE.