La Justicière est l'histoire d'une dominatrice sadomasochiste qui pourchasse les criminels impunis afin de les assassiner. Depuis près de 15 semaines, le livre figure au sommet des palmarès de vente en librairie. Son auteur, Marc Aubin, est inconnu des cercles littéraires. Présentation.

L'auteur des prochaines lignes n'est pas un homme de lettres. Pourtant, depuis le début de l'été, son premier roman connaît un immense succès populaire, à un tel point que le livre pourrait bien être en rupture de stock.

«À l'occasion, j'imaginais un homme nu rampant à mes pieds, m'implorant de lui permettre de lécher mes orteils parfaitement manucurés, alors que je reculais peu à peu, prenant soin de garder mes distances. Puis, je lui ordonnais de s'arrêter et de s'asseoir au sol. Je lui épinglais alors le sexe contre le plancher de bois franc sous le poids de mon talon aiguille.»

Cet extrait est tiré de La Justicière, un roman «érotico-sadomaso-policier» écrit par Marc Aubin, un homme d'affaires de Terrebonne. Quand on lui demande ses liens avec la littérature, il répond sans gêne n'avoir «jamais été un grand lecteur». Cela ne l'a toutefois pas empêché d'écrire un roman qui cartonne cet été en librairie, et ce, même s'il n'a pas attiré l'oeil des critiques.

La Justicière est un best-seller. Sorti le 15 mai, le livre n'a depuis jamais quitté le top 10 du palmarès Gaspard. Ces dernières semaines, ce roman policier - dont le personnage principal est une sadomasochiste qui pourchasse les criminels impunis afin de les assassiner - figure parmi les trois meilleurs vendeurs au Québec. Un succès qui dépasse toutes les attentes.

«J'ai longtemps blogué, par plaisir, puis un jour mon épouse m'a dit: «Marc, tant qu'à consacrer une heure par jour à l'écriture, pourquoi n'écrirais-tu pas un roman?» J'ai donc écrit cinq chapitres, avant de délaisser quelque temps le projet et de le reprendre enfin. J'ai réalisé que c'est moins évident qu'on le pense, écrire», a expliqué Marc Aubin en entrevue avec La Presse.

Depuis deux ans, l'homme d'affaires devenu auteur a consacré tout son temps libre à écrire, retravailler et peaufiner son récit. Pour ce faire, le diplômé en neurobiologie de l'Université McGill a fait appel à deux coachs littéraires, trois réviseurs linguistiques et trois correctrices.

«Son objectif était clair. Il voulait écrire un succès commercial, très addictif, et c'est là-dessus qu'on a travaillé. Son récit garde un bon rythme, et la nature du sujet [le sadomasochisme meurtrier] est pour le moins intrigant. [...] Ensuite, avec les moyens qu'il a investis dans la mise en marché, je ne doutais pas du succès qu'il aurait», a affirmé Nadia Gosselin, conseillère littéraire pour La Justicière.



Les réseaux sociaux avant les journaux

Quand est venu le temps de publier, Marc Aubin s'est associé aux Éditions de l'Apothéose, une petite entreprise du monde de l'édition qui lui a principalement offert un service d'impression et de distribution, tout en lui permettant de conserver entièrement ses droits d'auteur.

«La Justicière, c'est un projet think big! J'achève en ce moment la traduction en anglais. On compte être sur les marchés canadien et américain dès novembre et peut-être percer à l'international. Ce livre, tout comme Cinquante nuances de Grey, a le potentiel de vendre des millions d'exemplaires», a dit l'auteur, confiant.

Le succès instantané qu'a connu le roman dans sa version originale française n'est toutefois pas attribuable aux bonnes critiques. Le livre n'a fait l'objet d'aucune critique. Son lancement, qui a attiré plus de 500 personnes en mai dernier dans un centre des congrès de l'est de Montréal, n'a pas été couvert par les médias traditionnels.

C'est en amont que Marc Aubin a investi temps et argent pour offrir à La Justicière une mise en marché princière.

«On a d'abord imprimé 5000 exemplaires des trois premiers chapitres, que l'on a distribués dans tous les salons du livre. Quand le livre est finalement arrivé en librairie, nous avions déjà 13 000 amateurs sur notre page Facebook. En quelques semaines, nous avons commandé une deuxième impression. Il ne nous en reste plus que 1000 exemplaires en réserve. On pourrait se retrouver en rupture de stock», dit Marc Aubin, qui espère transposer son récit au grand écran.

Vers la conquête du monde

L'auteur de La Justicière ne s'en cache pas: il se consacre avant tout «aux affaires». Si La Justicière a été écrit en fonction d'être une trilogie, le premier tome se tient en lui-même. «C'est une décision réfléchie que j'ai prise», explique-t-il.

«Si demain matin, je décide que je ne veux plus écrire, il n'y a pas de problème. En lançant ce projet, j'ai rapidement constaté que les gens qui vivent de leur plume au Québec sont assez rares. Même si tu vends 15 000 livres, si tu reçois 3$ par copie vendue, ce n'est pas quelque chose d'intéressant financièrement», ajoute Marc Aubin.

«J'ai écrit La Justicière par amour pour l'écriture. C'était un projet de vie. Mais je suis un homme d'affaires: pour que je poursuive l'écriture, il faut que mon roman devienne un best-seller international. Si j'en vends des millions de copies, je ne me poserai pas de questions. Je me relancerai dans l'écriture!»

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La Justicière - La finale des coupables. Marc Aubin. Éditions de l'Apothéose. 552 pages.