Son tout nouveau livre, La faiseuse d'anges, vient d'arriver dans les librairies québécoises. Camilla Läckberg, reine du polar dans un pays qui en est le royaume, a reçu La Presse chez elle à Stockholm pour une entrevue en toute intimité.

Camilla Läckberg n'aurait jamais cru obtenir autant de succès. Elle n'était qu'une économiste en congé de maternité qui essayait d'écrire un premier roman. Un polar.

Camilla Läckberg est née en Suède, dans le pays du polar. Elle en avait assez des personnages de détectives paumés qui boivent trop de whisky en écoutant du jazz. «Je voulais un vrai couple, le genre qu'on a envie d'inviter à souper», explique-t-elle.

Elle s'est largement inspirée de sa vie pour créer ce couple. Son détective, Patrik Hedström, est un brave père de famille qui lutte contre un patron incompétent et des nuits sans sommeil. Sa femme, Erica Falck, est écrivaine et elle essaie de survivre entre l'écriture, ses jeunes enfants et les enquêtes de son mari qui la passionnent.

Erica Falck sombre dans la dépression après la naissance de son premier enfant. Comme Camilla Läckberg. «Avoir un enfant est une des choses les plus dramatiques qui puissent arriver à une femme, dit-elle. C'est comme une bombe qui fait exploser votre vie.» Patrik Hedström, lui, a le caractère de son ex-mari.

Le couple Hedström-Falck vit des frustrations, des luttes de pouvoir qui tournent trop souvent autour du partage des tâches. Ça aussi, c'est inspiré de la vie de Läckberg. Une différence de taille distingue les deux femmes: Camilla Läckberg est séparée, alors que le couple d'Erica Falck tient le coup.

Tous les romans se déroulent dans le petit village de Fjällbacka, où Camilla Läckberg a grandi. Sa mère y vit encore.

Une série télé a été créée à partir de ses livres. Le tournage s'est déroulé à Fjällbacka, qui a été pris d'assaut par les touristes. Il existe même une visite guidée qui amène les curieux dans les endroits foulés par les héros de Läckberg.

Stieg Larsson, l'auteur suédois le plus lu au monde, a aussi son tour guidé dans Stockholm. Il a vendu 73 millions d'exemplaires de sa trilogie, comparativement à 12 millions pour les livres de Camilla Läckberg.

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Il est 8h du matin. Camilla Läckberg me reçoit chez elle, dans sa maison à deux étages en banlieue de Stockholm. Elle porte un legging moucheté et ses cheveux forment un chignon échevelé au sommet de sa tête. Elle se prépare un double espresso capable de réveiller un mort. Son visage est encore chiffonné par le sommeil.

L'entrevue se déroule dans la salle à manger ensoleillée. Son fils de 4 ans écoute la télévision, affalé dans un fauteuil du salon. La bibliothèque croule sous le poids des livres déposés en vrac. Une section complète est réservée aux bouquins de Läckgerg, traduits en 37 langues et publiés dans 50 pays.

Camilla Läckberg a connu un succès instantané avec son premier roman, La Princesse des glaces, sorti en 2003. La faiseuse d'anges, son huitième polar, est sorti au Québec la semaine dernière.

Dans ses huit romans policiers, Camilla Läckberg reprend les mêmes personnages, son couple Hedström-Falck. Elle entremêle les intrigues, les meurtres, le passé trouble. C'est la recette Läckberg: un aller-retour entre un passé honteux rempli de secrets et le présent, où Patrik Hedström essaie de débusquer le meurtrier... aidé, malgré lui, par son encombrante femme.

Son nouveau livre suit la même recette, mais le retour dans le passé se fait en deux temps: d'abord en 1974, où une famille disparaît sans laisser de traces, sauf un enfant d'un an et demi abandonné au milieu d'un repas inachevé; et au début du siècle dernier, où le lecteur suit la fille et la petite-fille d'une femme accusée d'infanticide.

La recette marche. Difficile de fermer le livre avant la dernière page, où Läckberg dénoue le passé et le présent et nous livre le meurtrier pieds et poings liés.

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Camilla Läckberg est une grande vedette en Suède. Elle a du succès, elle est connue. Et elle en paie le prix. Son deuxième divorce a été étalé dans la presse pendant des semaines. Il faut dire que son ex-mari, Martin Melin, est une star.

En 1997, il a participé à l'émission de téléréalité Survivor, version suédoise. Et il a gagné. C'est aussi un policier et un romancier. «Pendant deux ans, nous avons échangé des courriels sans jamais nous rencontrer, explique Camilla Läckberg. J'avais besoin d'informations techniques pour mes romans.»

Un jour, elle l'a invité au lancement d'un de ses livres. Elle était curieuse. «C'est un très bel homme», dit-elle en souriant. Ce qui devait arriver arriva. Ils sont devenus amoureux, elle a divorcé, il s'est séparé, ils ont vécu ensemble et ils ont eu un enfant. Puis, ils se sont quittés.

«On a préparé une déclaration commune pour annoncer notre divorce et on l'a envoyée sur Twitter, raconte Läckberg. Je l'ai aidé à trouver un appartement. Nous sommes de bons amis.»

Elle entretient aussi d'excellentes relations avec son premier mari, dont elle a eu deux enfants et qui vit tout près. Elle y tient, à sa tribu tricotée serré. La garde partagée marche rondement: une semaine, elle a les trois enfants; l'autre, elle est seule.

Elle a donc du temps pour écrire... et imaginer, peut-être, le divorce de son héroïne.