Hélène Dorion flotte. Ni loin ni au-dessus de nous, mais tout autour. Elle nous chuchote qu'elle fait le voyage vers soi. Sa quête est si belle, si douce, qu'on serait tenté de l'imiter.

Avec Recommencements, l'artiste poursuit une réflexion, récurrente tant dans sa poésie que dans sa prose, sur ce que l'on pourrait nommer, en toute simplicité, «le beau temps après la pluie». Son livre fait suite à la mort de sa mère et à d'autres deuils dans sa vie.

La poète revêt son scaphandre et plonge dans la douleur pour débusquer un corail lumineux, une méduse éclairante. Ce troisième récit forme une mosaïque avec Jours de sable et L'étreinte des vents.

«C'est une continuité, explique-t-elle. Je travaille beaucoup en spirales. J'aime tout ce qui est circulaire. Revenir sur ses pas, ce n'est pas forcément revenir en arrière. Ce n'est pas tourner en rond, mais aller plus en profondeur. À la mort de ma mère, tout ce qui fait une vie humaine est apparu devant moi. C'est le centre de la spirale.»

Dans la forme circulaire de sa pensée, on retrouve une respiration, une vibration permettant tous les renouveaux possibles, cet «état de transition permanent». À notre époque où l'on préfère passer rapidement à autre chose, cette quête intime pourrait paraître inconfortable aux yeux de certains. Pas pour Hélène Dorion.

«Que faire avec les grosses vagues qui arrivent dans notre vie?, demande-t-elle. Est-ce qu'on lutte, on s'oppose ou on s'abandonne? Parfois, il est nécessaire que les toits soient arrachés pour apprendre à regarder. Il faut savoir reconnaître ce qu'il y a derrière la douleur.»

Dans ce récit en partie réflexif, méditatif, elle parle aussi d'une île, d'une tempête, d'un voyage et d'une maison d'écriture. Ce chemin vers soi, elle le souhaite le plus large et le plus inclusif possible.

«Qui suis-je quand je change de paysage, quand je change d'habitudes?, dit-elle. Juste un regard différent, à travers un hublot, permet de se recueillir. Les liens apparaissent. C'est l'art de la transition. Découvrir ce que l'on ignore de soi, clarifier ce que l'on connaît. Le plaisir de la découverte, c'est fantastique.»

L'artiste, qui pratique le yoga depuis des années, nous invite à un lent voyage intérieur. Philosophe ou psychologue, Hélène Dorion? Ni l'une ni l'autre. Une passeuse littéraire, ça oui.

«Je n'analyse pas, note-t-elle. Je ne m'improvise pas psychologue. Il n'y a ni diagnostic ni recette. Je n'en donne pas. Je suis dans l'expérience, pas dans le savoir. J'essaie de lier la sagesse et l'expérience. Je n'ai aucune leçon à ne donner à personne. J'essaie de faire entrer le lecteur dans sa propre expérience et lui permettre de se mettre en mouvement.»



Un don d'intimité

Hélène Dorion a beaucoup écrit depuis ses débuts - 30 livres publiés dans une quinzaine de pays. Prose et poésie sont deux pièces d'une même maison pour l'écrivaine qui continue ainsi de se construire, de se renouveler.

«Ce que je fais en prose, je ne pourrais pas le faire en poésie, dit-elle. Ça fait une douzaine d'années que j'écris en prose et je ne pourrais plus m'en passer. Le récit est un mouvement. La respiration n'est pas la même qu'en poésie, qui ressemble plus à une cristallisation, un précipité.»

Dans un genre ou l'autre, publier c'est faire un don d'intimité, selon elle. Créer un espace pour établir le lien, mais rester libre. Loin des prisons de la vengeance ou de la colère.

«Je crois que la vie est fondamentalement bonne, fait-elle. On n'est jamais tout à fait une victime. On peut rester dans le blâme et le ressentiment ou l'on est capable d'aller à l'intérieur, vers le pardon de soi, d'abord, et de l'autre. Pardonner, ça veut dire passer par le don.»

Malgré les douleurs, les tempêtes, les ruptures, une profonde propension au bonheur traverse ce livre.

«Comprendre la nature de ce qui apparaît, au départ, comme un ravage est, au fond, un recommencement. Il faut accepter de mettre le feu au bûcher pour recommencer», conclut-elle.

Que la mort se le tienne pour dit, Hélène Dorion n'a pas peur du feu. Elle ne le fuira pas. L'artiste danse avec les flammes, tout comme avec les vagues.

________________________________________________________________________________

Recommencements, Hélène Dorion, Druide, 224 pages.