Reine des palmarès littéraires pendant les années 2000, Anna Gavalda a vendu des millions d'exemplaires de ses romans. Après un silence de cinq ans, l'auteure d'Ensemble, c'est tout vient de sortir deux livres coup sur coup: Billie, l'automne dernier, et un recueil de deux histoires, La vie en mieux, ce printemps.

«Et ce n'est pas tout, il y en a quatre autres qui s'en viennent bientôt!, lance l'écrivaine de 43 ans. Deux autres regroupant des histoires courtes comme dans La vie en mieux, un gros recueil de nouvelles pour l'automne et un long roman, de l'ampleur de Ensemble, c'est tout

Au bout du fil, Anna Gavalda est volubile et détendue. Elle parle du printemps qui commence, vérifie ses théories et n'esquive aucune question. Par exemple, Billie a reçu un accueil mitigé? Pas grave. «J'ai peut-être perdu des lecteurs, mais j'ai gagné en liberté. C'était beaucoup de pression, être la fille qui ne vend que des best-sellers. J'étais devenue un enjeu économique.» Et puis les temps sont durs, ajoute-t-elle: les gens lisent beaucoup moins qu'il y a 10 ans en France. «Le marché est pratiquement divisé en deux. Une première place équivalait à 30 000 exemplaires vendus en une semaine, maintenant c'est 15 000.»

Et qu'a-t-elle fait pendant ces cinq ans? Pas tout à fait rien. «J'ai travaillé sur une traduction... et je me suis occupée de mes enfants! C'est vrai, vous le savez comme moi, ça passe si vite. Je me suis dit: bientôt ils feront des études supérieures, j'aurai tout le temps pour écrire. Je fais un métier compliqué, quand j'écris, j'oublie tout, même de nourrir mes enfants... Petits, ils ne s'en rendaient pas compte, maintenant ils ont 15 et 18 ans, ils peuvent s'arranger. Mais il y a eu un âge, entre 10 et 15 ans, où ils avaient besoin de moi.»

Elle rattrape donc le temps perdu, d'une certaine manière, malgré l'angoisse de la page blanche qui l'a tenaillée. «Tant qu'on ne s'y met pas, on a l'impression qu'on ne va jamais y arriver... Puis quand la machine est partie, on travaille et on se dit: ah, ce n'était pas si compliqué que ça!»

On retrouve dans La vie en mieux la même verve, le sens du dialogue, l'humour et surtout l'empathie qui ont fait le succès de ses précédents romans. On y suit d'abord Mathilde, puis Yann, dans deux histoires indépendantes d'environ 150 pages chacune, qui se lisent d'une traite. Les deux protagonistes dans la jeune vingtaine, qui vivent de petits boulots sans envergure et dont l'avenir semble bouché, cherchent un nouveau sens à leur existence.

«C'est un peu comme ça dans la vieille Europe en ce moment pour les jeunes. C'est comme s'il n'y avait pas d'avenir possible, c'est terrible pour des gens qui sont plein d'énergie», explique l'auteure, qui ajoute que ses livres sont justement là pour dire «qu'il suffit de changer sa façon de voir les choses» pour déboucher l'avenir. On peut toujours avoir une deuxième chance, croit-elle, particulièrement quand on est si jeune.

C'est ce que vivront à un certain degré Mathilde et Yann: une espèce d'épiphanie à la suite de rencontres inattendues, qui les fera dévier de leur trajectoire. «On vit tous ce genre de choc à un degré ou un autre dans nos vies, par rapport au travail, aux parents, aux enfants, non?, interroge l'auteure. On comprend un jour quelque chose, qui nous fait changer de chemin. Je dirais même que c'est ce qui peut nous arriver de mieux.»

«Ça va aller»

Dans La vie en mieux, Anna Gavalda s'en prend à la logique consumériste de notre époque - «La valeur des gens ne se mesure qu'à l'argent qu'ils font» - ainsi qu'à la désincarnation des rapports humains. «On passe tellement de temps devant nos écrans qu'on oublie la sensualité, le réel», dit-elle, ne craignant pas qu'on la traite de passéiste ou de nostalgique. «Au contraire: mes livres disent que tout est possible, que tout ira mieux demain! Ce que je dis aux gens depuis le début, c'est: soyez courageux, ayez de l'humour, soyez tendres et ça va aller.»

Anna Gavalda rigole en disant qu'elle essaie de ramener la gentillesse dans le rayon du sexy et du glamour. «Bon, d'accord, c'est un discours démodé, la tendresse n'est pas ce qu'on apprend dans les écoles de commerce! Mais je travaille fort pour y arriver.»

Dans tous ses livres, en tout cas, ses personnages ont la capacité de se laisser émouvoir par les autres. C'est le cas de Mathilde, qui devra sortir un peu contre son gré du monde virtuel dans lequel elle vit, et de Yann, qui redécouvre la chaleur humaine chez ses voisins. «Mes personnages sont toujours en porte à faux par rapport à la société, plus sensibles que le monde qui les entoure. Mon propos, c'est justement de dire que c'est cette extrême sensibilité qui fait votre force.»

Ses lecteurs, qu'elle rencontre dans des séances de dédicaces un peu partout en France depuis des années, ont saisi son message. «Ils sont d'une gentillesse! Comme dans mes livres. J'ai vraiment de la chance.»

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La vie en mieux, Anna Gavalda, Le dilettante, 286 pages.