Génération pendue, son premier roman publié en 2011, raconte l'histoire chaotique d'une adolescente dont les proches se suicident les uns après les autres. Son deuxième, Bleu, qui vient d'arriver en librairie, suit le parcours houleux d'une jeune femme qui se sort difficilement d'une relation amoureuse malsaine et qui est atteinte d'une tumeur au cerveau.

La réalisatrice et scénariste Myriam Caron n'a pas eu besoin de creuser longtemps pour créer ces deux récits: sa propre vie a été sa principale source d'inspiration. Mais même si l'ombre de la mort et de la maladie plane sur ces deux romans écrits avec ses tripes, ces oeuvres sont surtout de puissants hommages à la vie et à son coin de pays, la Côte-Nord.

Myriam Caron refuse de s'apitoyer sur son sort et embrasse l'existence avec fougue. «Je ne veux pas être une victime, je l'ai assez été», dit au téléphone l'auteure de 39 ans, à qui on a détecté une tumeur au cerveau en septembre 2011. «Je ne l'ai pas facile, c'est vrai, mais je ne suis pas du tout dans l'accablement. C'est moi, ça, sans fla-fla ni fioriture.»

Elle nous parle directement de Sept-Îles où elle est retournée s'installer il y a 10 ans, après avoir vécu à Montréal. Elle vit sur le bord de la mer - «Officiellement, c'est l'estuaire, mais on dit la mer. On ne voit pas l'autre côté!» -, cette force de la nature qui la fascine et l'habite complètement. «Je suis obsédée par la mer. Je pense même que des bouts de Bleu m'ont été dictés par elle.»

Peuplé de phoques et de baleines, habité par les légendes maritimes et les noms de villages quasi fantômes, changeant de couleur au gré du temps, Bleu est imprégné de cet amour. À certains moments, la mer est même carrément narratrice de ce roman allégorique et onirique qui flirte avec le conte. On est loin de Génération pendue, qui était beaucoup plus direct. «Mon premier livre était vraiment impulsif, je l'ai écrit sur le vif, sans structure, explique Myriam Caron. Bleu est plus songé et réfléchi. Je l'ai travaillé fort.»

Dans les vagues

Orane, son alter ego dans Bleu, est donc une passionnée de la mer. Une passion qui l'aidera à survivre à une relation destructrice avec un «chien galeux», à élever son fils en harmonie avec la nature et à affronter la maladie. «C'est fort, la mer, lance Myriam Caron. Il y a des fois où on n'a juste pas le choix de se jeter à l'eau!»

Les scènes les plus spectaculaires du livre sont d'ailleurs celles où les personnages font du surf, se lançant dans les vagues quelle que soit la température, en juillet ou en plein mois de janvier, comme s'ils étaient à Hawaii ou en Californie. Que voilà une belle bande de fous, se dit-on, assis bien au chaud dans nos salons montréalais.

«On est habitués que le monde nous trouve sautés!», dit Myriam Caron, qui a été une des premières à faire du surf sur la Côte-Nord, et qui, avec quelques amis, a contribué à l'essor de cette activité. «C'est tellement méconnu... et exotique! Mais je ne peux pas ne pas en parler, ça fait trop partie de ma vie.»

Non seulement elle en parle dans Bleu, mais elle en a aussi fait un documentaire, Surf boréal, qui a reçu l'an dernier le prix du meilleur film canadien au Canada International Film Festival de Vancouver.

Elle est aussi l'auteure de l'exposition Éphémères, qui regroupe des photos prises sur les plages de la Côte-Nord. «Tout ce que je fais est interrelié», explique la jeune femme qui, malgré la maladie, travaille sur deux nouveaux livres et un autre film.

«Je suis comme une jardinière, je n'ai pas envie de cultiver juste des patates. Alors je plante toutes sortes de graines différentes.» Côté littérature, elle sait maintenant qu'elle pourra aborder des sujets qui la touchent de moins près. «Je pense qu'avec Bleu, ça clôt le dossier!»

Retrouver le contact

Myriam Caron est toujours coachée de loin par François Avard, celui qui a «découvert» par hasard Génération pendue en 2007 - qu'elle avait autoédité -, et qui l'a convaincue de le présenter à son éditeur, Leméac. «Je suis bien entourée», admet-elle.

Si ce premier livre a été écrit «pour empêcher les jeunes de mettre fin à leurs jours» et rappeler aux parents «c'est quoi, avoir 14 ans et envie de mourir», l'objectif de Bleu est moins défini. «Peut-être de dire au monde de relaxer, de retrouver le contact avec soi-même.» C'est ce que cette maman d'un petit garçon de 8 ans a réussi à faire, en tout cas, affirmant avoir puisé dans la maladie des forces qu'elle ne se soupçonnait même pas.

«Sans la maladie, il n'y aurait pas eu Bleu, il n'y aurait pas eu l'expo Éphémères. Je remercie presque la vie parce qu'elle m'assoit et qu'elle me fait créer. J'aime ce qu'on est en train de traverser, la vie et moi.»

Même si sa maladie est officiellement incurable, Myriam Caron s'estime, d'une certaine manière, en état de grâce. «Check-moi ben aller. Ma philosophie a changé aussi: que je meure aujourd'hui de ça, ou pas, ou d'autre chose plus tard, ça ne change rien. Je ne suis plus dans l'avoir, je ne suis que dans l'être. J'ai atteint un niveau de bonheur au jour le jour et ça a une vraie signification. J'ai tellement appris, j'ai tellement reçu, je ne pourrais être autrement qu'heureuse en ce moment.»

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Bleu, Myriam Caron, Leméac, 240 pages.