Avec La Traque, l'auteur Andrew Kaplan signe un roman qui se déroule avant le premier épisode de la série Homeland et qui nous aide à comprendre davantage le personnage de Carrie Mathison. Si ce phénomène de la fiction dans la fiction n'est pas nouveau, il est toujours aussi fascinant.

On pourrait simplement écrire qu'Andrew Kaplan vient de publier Homeland - La traque, antépisode de la série télévisée que l'on sait. Qu'il a hésité à prendre ce contrat. Qu'il a finalement dit oui malgré un horaire de production très serré, parce que ses conditions avaient été acceptées. On pourrait simplement écrire cela. Mais ce ne serait que la pointe de l'iceberg. Explorons le reste en compagnie du principal intéressé, que La Presse a eu la chance d'avoir au bout du fil pendant une heure.

Qui?

Pour les amateurs de thrillers d'espionnage, le romancier américain Andrew Kaplan est entre autres connu pour sa série Scorpion. Il a aussi mis la main à l'une des premières versions du scénario du 17e James Bond, GoldenEye. Il a été correspondant de guerre - en 1967, il a servi dans l'armée américaine et dans l'armée israélienne lors de la guerre des Six Jours -, a vécu en France, sur la Côte d'Azur, pendant un an, et a aussi passé quatre ans et demi au Moyen-Orient. C'était il y a une trentaine d'années, mais il comprend très bien le français et peut le parler. De même que l'hébreu et l'arabe.

Quoi?

Vient de paraître, sous son nom, Homeland - La traque. «C'est une histoire originale, mais qui se déroule avant la première saison de Homeland.» Le roman nous entraîne à Beyrouth en 2006, soit cinq ans avant les événements survenus au petit écran. On y découvre le passé de Carrie Mathison, tant familial que professionnel; sa rencontre déterminante avec Saul Berenson, qui devient son mentor; l'origine des tensions qui existent entre le chef du contre-terrorisme, David Estes, et elle; et ses premiers pas sur la piste d'Abou Nazir, chef d'Al-Qaïda en Irak.

Quand?

«Mon agent et mon éditeur, HarperCollins, m'ont joint à mi-parcours de la diffusion de la deuxième saison. À l'époque, je n'avais pas vu la série. Elle faisait partie de ma liste de choses à faire. Elle avait gagné tellement de prix que je me disais: "Ça ne doit pas être trop horrible.» J'ai donc regardé la première saison et le personnage de Carrie m'a intéressé. Je me suis dit que, pour un homme, écrire du point de vue d'une agente de la CIA qui, en plus, est bipolaire, pouvait être un défi intéressant.» Qui allait se doubler d'un autre défi: «Il me faut normalement de six à huit mois pour écrire un roman. À cause du cycle de production et parce que le roman devait sortir juste avant le début de la diffusion de la troisième série, on ne pouvait m'accorder que quatre mois. Je n'ai jamais écrit un livre aussi vite, c'était du sept jours sur sept.»

Comment?

«Avant d'accepter, j'ai posé trois conditions. D'abord, je voulais être le seul auteur. Ensuite, je voulais écrire une histoire complètement originale. Bien sûr, les personnages et le contexte sont ceux de l'émission, mais l'intrigue est la mienne. Enfin, pour être cohérents avec la série, les showrunners, les scénaristes et moi coordonnerions nos écrits - ç'a été le plus compliqué.»

Ces conditions ayant été acceptées, Andrew Kaplan a «étudié» les épisodes, découvert qu'il y avait relativement peu de choses concernant le passé et l'histoire de Carrie, ce qui lui laissait une marge de manoeuvre intéressante. Jusqu'au prénom du personnage qui n'avait jamais été établi. Il a donc proposé que Carrie soit le diminutif de Caroline.

Tout en comblant ces flous et manques, il a imaginé une intrigue et fourni un synopsis qui devait être accepté non seulement par les auteurs de l'émission, mais aussi par le studio la produisant (Fox) et le diffuseur (Showtime). Un synopsis dont il a suivi l'esprit plus que la lettre dans le roman. «De toute manière, si on suit le synopsis et qu'ils n'aiment pas, ils n'aiment pas. Si on ne le suit pas et qu'ils aiment, ils ne diront rien», rigole le romancier qui a toutefois trouvé plus difficile de travailler avec des personnages qu'il n'avait pas créés qu'avec les siens.

Bien que l'expérience se soit avérée positive, il a quand même eu quelques mauvaises surprises. Ainsi, le niveau de langage. «Nous avons eu de dures discussions à ce sujet et c'est, encore aujourd'hui, le seul aspect du livre que je n'endosse pas. La série est destinée aux adultes et la langue y est crue. Les personnages lâchent des «F-bombs» à tout moment et j'ai écrit sur le même ton. Idem pour certaines références religieuses, dans les dialogues ou dans les événements - dont certains sont même relatés dans les épisodes. Mais tout cela a dû être coupé au risque que certaines librairies ne tiennent pas le roman. Ça m'a rendu fou. C'est comme ça que les écrivains se font des cheveux blancs!»

Pourquoi?

Au sujet de Homeland - La traque, il dit: «Je refuse habituellement ces propositions, qui m'ont été faites plusieurs fois. J'ai dit non quand on m'a demandé de reprendre les Jason Bourne, par exemple. Mais cette fois-ci, mon agent et mon éditeur m'ont convaincu en me disant que c'était l'occasion de présenter mon travail à une masse de lecteurs qui n'avait jamais entendu parler de moi.»

Au sujet de la suite - qui sera publiée en septembre aux États-Unis: «J'ai aimé l'expérience de La traque et les gens avec qui j'ai travaillé. Mais j'ai hésité à accepter d'en écrire la suite parce que je préfère créer dans mon propre univers.» Encore une fois, son agent et son éditeur ont su le convaincre. «Ils m'ont dit que je ne voulais sûrement pas qu'un autre auteur profite de ce que j'avais amorcé dans La traque et que, de toute manière, peu importe qui prendrait le relais, ce ne serait pas aussi bon que ce que j'avais fait.» Andrew Kaplan le reconnaît en riant: les arguments ont porté.

Homeland - La Traque

Andrew Kaplan

416 pages

Éditions du Seuil