«Rodrigue dit Hot Rod Létourneau et sa femme Ursule sont rentrés d'un souper bien arrosé pour constater que les congélateurs dans leur garage avaient été vidés.»

On sait dès la première phrase de Dixie qu'on ne s'y ennuiera pas. Il y a dans ce troisième livre de William S. Messier un ton, un rythme, un langage littéraire, mais absolument «québécois», au service d'un récit aux accents mythiques qui se déroule autour des «lignes» américaines.

Enfant des Cantons-de-l'Est, William S. Messier y fait se dérouler toutes ses histoires. «Mes parents se sont rencontrés à la Caisse populaire de Bedford, j'ai passé là une partie de mon enfance avant de déménager à Granby. J'ai encore de la famille qui a une ferme là-bas, c'est d'ailleurs elle que j'ai mise en scène dans Dixie

Issu d'une famille de classe moyenne, William S. Messier a déménagé à Montréal il y a une dizaine d'années pour commencer des études en littérature à l'Université du Québec à Montréal. Il s'intéresse particulièrement à l'oralité dans la littérature américaine; ses modèles sont Twain, Salinger, Faulkner.

«J'aime cette idée de Faulkner de mettre en scène un territoire, pas seulement à partir du paysage, mais aussi à partir de la culture langagière, familiale, folklorique. Je tente de faire la même chose avec le vernaculaire québécois. L'idée est de donner naissance à un langage à partir d'un lieu, sans que ce soit réel.»

Esprit vif maître de la digression - «c'est un équilibre à atteindre, mais c'est vrai que mon cerveau fonctionne comme ça aussi» - , William S. Messier estime que Dixie est son livre le plus abouti, justement, quant à sa recherche sur le langage et le territoire. Être associé au courant qu'on a appelé le «néo-terroir», porté par des auteurs comme Samuel Archibald et Éric Dupont, ne le gêne pas.

«Surtout que ce courant n'est pas monolithique et que le rapport au terroir n'est pas enclavé dans des dogmes religieux ou de politique identitaire.»

William S. Messier, qui aura 30 ans en janvier et un deuxième enfant en 2014, commence la rédaction de sa thèse de doctorat et a toujours ce même «sentiment d'urgence» par rapport à l'écriture. Il termine un recueil sur le basket, réfléchit à un nouveau roman qui se passera encore «dans les Cantons» et songe à monter un spectacle de chansons folk, lui qui joue de la guitare depuis toujours.

L'americana reste donc son fil conducteur. «Ça fait partie d'une ambition littéraire, d'être perçu et lu comme un auteur américain. Pas des États-Unis, mais nord-américain. C'est peut-être ce qui nous distingue dans le néo-terroir: on peut rester au Québec et célébrer cette américanité.»

Son top 5 de 2013

> Dommage que tu sois pris, d'Avec pas d'casque

Magicien de l'ordinaire, Stéphane Lafleur construit une oeuvre durable qui n'en finit plus de m'épater.

> Le 500e épisode de l'émission This American Life

Depuis 1995, l'émission journalistique de Chicago diffusée partout sur le continent crée de véritables merveilles de storytelling. (thisamericanlife.org)

> Frances Ha, de Noah Baumbach

Maître des psychologies atypiques et des dialogues grinçants, Baumbach rend un hommage tendre à la vie de jeune adulte à New York.

> Chien de fusil, d'Alexie Morin (Quartanier)

On retient quelque chose de très tragique de ces récits poétiques: une fin du monde lente et silencieuse, une poésie survivaliste.

> Les documentaires interactifs de l'ONF

Avec des oeuvres comme La dernière chasse et Ferme zéro, l'inventivité du Studio numérique de l'Office national du film m'a convaincu que l'avenir du documentaire nous réserve de très belles surprises.