Douze ans après The Beauty Myth, un essai dénonçant les ravages de l'industrie de la beauté sur l'estime de soi des femmes, Naomi Wolf revient dans l'actualité avec Vagina: A New Biography - véritable plaidoyer en faveur d'une sexualité féminine épanouie appuyé par un corpus scientifique qui confirme une connexion directe entre le cerveau (le système nerveux autonome) et le vagin.

De passage à Montréal la semaine dernière pour prononcer une conférence à l'Université Concordia sur l'effet des neurosciences sur le comportement, en compagnie du chercheur en psychologie Jim Pfaus - dont les travaux sont au coeur de son livre -, l'essayiste féministe persiste et signe. Son livre, dit-elle, a été une véritable révélation pour des milliers de lectrices et de lecteurs qui lui ont écrit pour la remercier de l'avoir publié.

Libido disparue

Que dit Naomi Wolf de si extraordinaire? En gros, elle valide scientifiquement le «pas ce soir, chéri» en expliquant - recherches de Jim Pfaus à l'appui - que les signaux qu'envoie notre cerveau ont un effet direct sur notre comportement sexuel. Ainsi, la libido d'une rate disparaît complètement en présence d'un stress négatif; le même effet (sommes-nous surprises?) est observé chez les femmes préoccupées par la maladie du petit dernier ou un problème au travail.

Or, depuis la sortie de Vagina, Naomi Wolf est sur la défensive. Les critiques n'ont pas été tendres à son endroit, qualifiant son livre de banal bouquin de croissance personnelle ressassant des faits scientifiques déjà connus.

Il faut dire que l'approche de Naomi Wolf - qui aime bien mêler le personnel aux données plus objectives - ne plaît pas à tous.

Elle part de sa propre histoire - un nerf pelvien coincé qui l'a empêchée pendant quelque temps de ressentir les orgasmes extraordinaires auxquels elle était habituée - pour accoucher d'un livre qui dénonce le discours actuel dégradant sur le sexe féminin plutôt que le célébrer.

Bien qu'on puisse lui donner raison sur plusieurs points - la marchandisation du corps et l'omniprésence de l'imaginaire porno dans la société occidentale -, le fort discours éco-féministe (la déesse Terre n'est jamais loin...) et sa visite à un maître du sexe tantrique qui oeuvre en Angleterre irritent la lectrice à la recherche d'une position féministe qui se tient.

Libérer le discours

«J'ai été attaquée pour avoir écrit ce livre, lance Naomi Wolf. Or, depuis le rapport Hite, dans les années 70, il ne s'était plus rien écrit d'intéressant sur la sexualité des femmes. L'industrie du porno a récupéré la révolution sexuelle, nous a imposé ses images répétitives et, depuis, c'est le discours dominant. C'est comme si les féministes avaient abdiqué. Or, plein de nouvelles connaissances sont apparues sur le sexe féminin - notamment que le clitoris et le point G étaient les deux extrémités d'un même organe. Mais personne n'en parle!»

Pour sa part, Jim Pfaus, qui se décrit lui-même comme un scientifique féministe, estime que la science permet de libérer le discours sur la sexualité féminine des stéréotypes et des préjugés qui l'enferment.

«Quand on étudie le comportement des rats, dit-il, il n'y a plus de séductrices, de putes ou de frigides... Il n'y a que des animaux qui ont une réaction X à un événement Y. Et ça nous permet de comprendre bien des choses, tout en nous débarrassant des carcans qui limitent, encore aujourd'hui, l'expérience sexuelle.»

L'essayiste et le chercheur se décrivent comme deux êtres passionnés par la diversité de l'expérience humaine, qui souhaitent vulgariser les connaissances et les communiquer au plus grand nombre - ce qu'ils ont fait à guichets fermés jeudi dernier.

«Je ne me suis jamais vue comme une porte-étendard du mouvement féministe, ajoute Naomi Wolf qui, avec la journaliste Susan Faludi, était pourtant considérée comme une des figures phares de la pensée féministe dans les années 90. Mon objectif, c'est que les humains atteignent leur plein potentiel. Je crois, si je me fie au courrier que je reçois, que ce livre y participe.»

Naomi Wolf en quelques titres

Naomi Wolf a publié huit livres dont :



> Quand la beauté fait mal, First (1991), traduction de The Beauty Myth: How Images of Beauty Are Used Against Women (1990)

> Fire with Fire (1994)

> Promiscuities: The Secret Struggle for Womanhood (or a Secret History of Female Desire) (1998)

> Misconceptions (2001)