David Foenkinos fait partie du club des 10 auteurs qui vendent le plus de livres en France. La délicatesse, son plus grand succès, a dépassé le million d'exemplaires vendus et a été porté au cinéma avec Audrey Tautou dans le rôle principal. Son nouveau livre Je vais mieux s'est retrouvé en à peine trois semaines en cinquième place des ventes chez les libraires français.

De passage à Montréal, David Foenkinos nous a parlé de cette «comédie sur le mal» écrite comme un polar et qui réunit tous les ingrédients qui ont fait sa marque: la légèreté, le sens du punch et une certaine gravité. Après Journal d'un corps de Daniel Pennac, histoire d'un homme narrée à partir de ses bobos et sensations, voici en quelque sorte le «journal d'un dos» de David Foenkinos. Dans Je vais mieux, son nouveau roman, l'auteur de La délicatesse raconte la crise d'un quadragénaire tourmenté par un mal de dos dont il cherche l'origine.

Quand on fait la comparaison avec le livre de Pennac, David Foenkinos rigole. «C'est vrai que c'est un roman très physique sur la douleur. Je n'avais pas fait le rapprochement, mais quand j'ai vu le livre de Pennac, je me suis dit: le salaud, quelle bonne idée! Mais il m'énerve, Pennac, de toute façon... La dernière fois que je l'ai rencontré, je lui ai dit: «Place aux jeunes, arrête!»»

Comme le créateur des Malaussène, David Foenkinos n'a pas peur du mot populaire. L'auteur de 39 ans aime offrir aux lecteurs de bonnes histoires qui allient la légèreté à une certaine exigence littéraire. «C'est mon souci principal», dit-il.

Les souvenirs, paru en 2011, s'est même retrouvé sur les deux premières listes préliminaires du Goncourt, avant d'être évincé de la sélection finale. Une expérience éprouvante qui l'a poussé à faire un temps d'arrêt. «Après tout ce bruit autour du Goncourt, plus la sortie de La délicatesse au cinéma, j'avais décidé de prendre une pause de plusieurs années. J'aurais adoré ne pas écrire, mais cette idée d'un mal de dos s'est imposée, et une idée, ça ne se maîtrise pas.»

Le revoici donc avec un livre moins grave que Les souvenirs, mais aussi moins pétillant que La délicatesse, heureux mélange d'humour, d'émotions réalistes, de situations légèrement exagérées, de tonalités aigres-douces et d'images fortes. «Il y a des gens qui m'ont dit qu'ils avaient pleuré en le lisant», dit l'auteur, surpris mais fier d'être capable de susciter des émotions plus profondes. «C'est le nouveau Foenkinos! Peut-être que je vieillis... Avant, je me disais que si ce n'était pas drôle, ce n'était pas intéressant. Je suis maintenant capable d'écrire un livre grave, mais avec Je vais mieux, j'ai fini par craquer et mettre de l'humour.»

David Foenkinos estime qu'il a écrit une «comédie sur le mal», mais admet que son roman comporte des moments anxiogènes. «Quand on a mal, il y a des moments où on a juste envie de se jeter par la fenêtre. La douleur rend fou.»

Coter la douleur

La bonne idée est d'avoir découpé le livre en segments qui suivent l'évolution du mal de dos du narrateur.

Chaque chapitre commence par une cote, par exemple: «Intensité de la douleur: 9, état d'esprit: haineux.»

C'est après avoir été lui-même malade qu'il a eu cette inspiration. «Dans les hôpitaux, on ne nous demande pas comment on se sent, mais plutôt d'évaluer notre état sur une échelle de 1 à 10, comme si le monde de la douleur était exempt de mots et de réflexion.»

Le protagoniste de Je vais mieux est donc aux prises avec un mal de dos aussi soudain qu'incompréhensible. L'architecte d'une quarantaine d'années, marié et père de deux enfants, tente alors par tous les moyens de régler son problème. Il hante les hôpitaux et s'essaie entre autres au paranormal, à l'ostéopathie et à la psychanalyse, pendant que sa vie se déglingue. «Je laisse rarement mes héros paisibles!», lance David Foenkinos. Celui-là, en tout cas, aura une année mouvementée. «Ça pourrait être le titre de tous mes livres...»

Peu à peu, le narrateur découvre qu'il devra régler ses problèmes s'il veut dénouer la douleur.

«C'est un peu comme une enquête, une sorte de polar d'un dos, qui lui permettra d'avancer. Dans le fond, c'est l'histoire d'un homme un peu mou qui prend son destin en main.» Avec des résultats pas toujours réussis, on s'en doute.

Mais au-delà de la figure de l'antihéros, David Fonekinos estime qu'il parle surtout d'un homme comme plein d'autres qui, un jour, en a «plein le dos». «Mais ce n'est pas lui qui quitte sa vie, c'est sa vie qui se délite malgré lui. C'est la crise autour de lui qui fait qu'il devient lui-même en crise. Et c'est tant mieux! Il y a des gens qui vont voyager toute leur vie dans un cocon aseptisé, il faut un peu les réveiller...»

Entre le burlesque et le tragique, il y a comme souvent chez Foenkinos une grande tendresse, qui se traduit cette fois-ci par l'amour sans bornes que le narrateur porte à ses enfants - tellement qu'il ne se remet pas de leur départ du nid familial. Des pages émouvantes, qui nous font constater que l'auteur de Nos séparations et du Potentiel érotique de ma femme n'est pas que l'écrivain de l'amour et du couple.

«Ce livre traite de la douleur physique, du mal-être, du travail, de la relation aux parents, des enfants, du travail, de l'argent, et aussi du couple. Il traite de la vie d'un homme, et la vie sentimentale en est bien sûr une partie importante. Mais j'ai l'impression toujours de parler de la vie en général.»

Extrait Je vais mieux

«Et ton dos, comment ça va?

Mieux, merci.

J'en étais sûre. C'était moi ton problème. Notre séparation va te dénouer.

Ne dis jamais ça.

C'était de l'humour. On peut encore rire?

Oui, on pouvait. Et on pouvait aussi être encore dans la tendresse. Une fois dehors, on est restés un long moment dans les bras l'un de l'autre. Ça faisait du bien, ça faisait du mal. Puis Élise est partie. Je suis resté sans bouger à la regarder s'éloigner, jusqu'au moment où elle est devenue un petit point dans la nuit. J'avais une boule au ventre. En moins d'une journée, tout avait basculé. Je n'avais plus de femme, je n'avais plus d'emploi, mais j'avais toujours mal au dos.»

_________________________________________________________________________

Je vais mieux. David Foenkinos. Gallimard, 330 pages.