Bien connu comme documentariste, Carl Leblanc confirme sa vocation d'écrivain avec son deuxième roman, Artéfact, que nous considérons comme l'un des plus puissants de l'année littéraire québécoise. Ce qui confirme en même temps qu'un nouvel écrivain nous est né, et qu'il est là pour rester. Mais sa passion pour l'écriture est loin d'être récente.

«J'écris depuis longtemps, mais je crois que j'ai un rapport très sacralisé à la littérature», confie Carl Leblanc. Je pense que la littérature est un courage, plus que le cinéma qui se fait en équipe. C'est clair que je pensais être plus courageux que ça et que ça m'a pris du temps avant d'assumer.

«Je suis obsédé par le «storytelling». Je ne crois pas à la littérature qui impressionne, ni à l'exercice formel. Entre des grands prosateurs comme Pierre Michon ou Claude Simon, des Lamborghinis de l'écriture, et Les Bienveillantes de Jonathan Littell, qui est plus ou moins bien écrit, mais qui est toxique de passion, et qui est pour moi ce que j'ai vu de plus proche d'Alexandre Dumas en terme de souffle narratif, le choix est facile.»

Reprenant à son compte une phrase de Jean Royer, «je suis journaliste pour gagner ma vie et poète pour ne pas la perdre», Carl Leblanc avoue que s'il avait pu, il n'aurait fait qu'écrire dans sa vie.

C'est tout de même son travail de documentariste qui l'aura mené à publier ses deux premiers romans. Son documentaire L'otage, sur l'enlèvement du diplomate James Richard Cross pendant la crise d'Octobre, lui inspirera Le personnage secondaire, comme Le coeur d'Auschwitz, documentaire sur une pièce du musée de l'Holocauste de Montréal, un livre de souhaits en forme de coeur qui aurait été offert à une jeune prisonnière pour ses 20 ans, lui a inspiré Artéfact.

Mais il insiste, ce n'est pas une méthode chez lui, ses films et ses romans sont deux choses complètement distinctes. «Je souffre trop de ça! Je dois me battre contre le film. Pour moi, Artéfact est un roman qui se passe aujourd'hui. C'est un livre sur la gestion du passé, ce n'est pas un livre sur la Shoah.»

Et pour lui, le personnage le plus intéressant du roman est le journaliste François Bélanger, qui se lance dans une enquête sur cette bouleversante pièce de musée.

«Ce n'est pas «son» histoire, ce «non-rapport» le place dans une posture radicale, il décide de se mêler de ce qui ne le regarde pas et en même temps, il réalise que ça le regarde, puisque le crime contre l'humanité, ça nous regarde tous. Mais je n'ai pas écrit le roman parce que je pensais que c'était plus fort que l'histoire vraie. Seulement, cette histoire fictive en dit plus que le film sur ce que sont les humains, leur destin. Le film est une belle histoire, beaucoup plus proche de Hollywood que du réel.»

C'est pour cela qu'il aime écrire. Pour s'approcher de la complexité du réel, par la fiction. «Si l'écriture est là pour nous conforter dans la beauté de l'être humain, alors ce ne sont que des oeuvres de patronage sur la condition humaine! On est là pour montrer que c'est complexe en «criss» un être humain, et que la condition humaine est irréductible, en ce sens qu'elle ne peut être réduite à des concepts. Donc, il faut être modeste, accepter de raconter des histoires, et chaque roman est là comme une brique dans un mur pour nous protéger de tous les idéologues qui disent «les humains sont comme ci, ou comme ça».

On n'a pas fini de lire Carl Leblanc, qui a pris sa retraite du documentaire pour se consacrer à l'écriture. Déjà, il nous annonce pour l'automne prochain la parution d'un recueil de nouvelles consacré aux coïncidences, qu'il affirme collectionner depuis longtemps, ainsi qu'un roman auquel il met ces temps-ci la touche finale, sur la relation père-fils, «qui est toujours une guerre» selon lui... Bref, un écrivain à suivre.