L'historien Éric Bédard entre dans la collection «pour les nuls» en racontant l'histoire du Québec, de l'exploration de Verrazzano en 1524 jusqu'à l'élection de Pauline Marois en septembre 2012. Il nous offre un condensé qui aidera à boucher quelques trous dans nos courtes mémoires.

Difficile de ne pas poser la question: sommes-nous nuls en histoire du Québec pour qu'un tel livre existe? Eh bien, quand on se compare, on se console, car L'histoire de la France pour les nuls, de Jean-Joseph Julaud, aura été pour les éditions First un immense succès, avec près d'un million d'exemplaires vendus. La preuve que nous ne sommes pas les seuls à estimer avoir quelques lacunes à combler dans notre connaissance de l'histoire nationale.

«Ce n'est pas juste un livre d'histoire, c'est une histoire, la nôtre, résume Éric Bédard, professeur et chroniqueur au Journal de Montréal. Ça se veut un récit, et ça peut aussi être une sorte d'aide-mémoire. On prend un peu le lecteur par la main, sans pour autant sacrifier la rigueur. Au fond, c'est comme un cours pour le grand public.»

Pour beaucoup de gens, les cours d'histoire du Québec (sinon l'unique cours qu'ils ont eu) sont un vague souvenir, et ceux qui ont exploré le sujet un peu plus profondément sont souvent passés par le célèbre «Linteau-Durocher-Robert», qui, selon l'historien, a pour fil conducteur la modernité, davantage que le destin d'un peuple. «Il s'intéresse plus au grand processus d'industrialisation, à l'État-providence, aux droits de la personne... Cette génération voulait prendre le contre-pied de la génération précédente qui disait qu'on était en retard; elle voulait dire que nous étions traversés par les mêmes forces de la modernité que les autres. Mais en voulant montrer la normalité, on a mis de côté le pathos politique, les luttes pour assurer la pérennité de ce peuple, et on a ainsi gommé la dimension de la narration. Dans mon livre, c'est l'histoire d'un peuple qu'on suit, confronté à sa tragique possibilité de disparaître.»

La force du récit

Selon Éric Bédard, le récit n'a pas vraiment la cote chez les historiens québécois. La nature ayant horreur du vide, il ne faut pas s'étonner que les romans historiques soient si nombreux au Québec. «Je crois que l'histoire veut trop singer la sociologie et les sciences politiques, mais, ce faisant, elle perd ce qui la caractérise, c'est-à-dire le récit. J'essaie de ne pas exclure personne, j'évoque le rôle des femmes, de l'immigration, mais je privilégie surtout le groupe porteur, la majorité historique francophone. Si je mets tout le monde sur le même pied, ça n'a plus de sens, et ça ne fait pas un récit.»

Ceci expliquant peut-être cela, Éric Bédard déplore dans l'enseignement de l'histoire au secondaire le fait qu'il s'agit surtout d'une histoire de l'Occident au Québec, et qu'en voulant toucher à l'universel, on en oublie ce qui appartient spécifiquement au Québec. «Pour ce qui est du cégep, la demande pour des cours d'histoire du Québec est en baisse constante. Saviez-vous que, dans les universités francophones, il n'y a aucun spécialiste des Patriotes ou de la Conquête?»

Même s'il n'a défendu aucune thèse dans la rédaction de ce livre - c'était la commande -, Éric Bédard considère que le mythe entourant la Révolution tranquille explique en partie notre manque d'intérêt pour l'histoire de nos origines.

«Nous avons intériorisé l'idée de la «grande noirceur», l'idée qu'avant 1960, c'est un blackout, soit inintéressant, soit honteux. Comme si, du jour au lendemain, on avait passé de la campagne à la ville, du cheval à l'auto... Tous les historiens disent aujourd'hui que cette coupure-là est historiquement fausse. La Révolution tranquille est la conclusion d'un processus qui a commencé bien avant, et j'ai voulu l'illustrer dans ce livre.»

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L'histoire du Québec pour les nuls. Éric Bédard. First éditions, 394 pages.