Quand Lise Bissonnette quittera la direction de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ), le mois prochain, elle laissera derrière elle la plus grande institution culturelle du Québec.

«Cette affaire assez énorme», qu'elle mène depuis 1998, s'est constituée, au fil des ans, par la fusion - pas toujours aisée - d'un élément nouveau, la Grande Bibliothèque du Québec, à d'autres plus anciens: la Bibliothèque nationale du Québec, les Archives nationales du Québec et «une bonne part» de l'ancienne Bibliothèque centrale de Montréal.

 

Aujourd'hui, plus de 55 000 personnes, «bouquineurs», étudiants et chercheurs, passent chaque semaine cette «porte désormais ouverte à tous vers tous les champs de la culture, de la science, des savoirs». À ceux-ci s'ajoutent les centaines de milliers d'internautes - 3,6 millions l'an dernier - qui empruntent le portail virtuel www.banq.qc.ca où «notre espace-Québec» apparaît en mille richesses à ce jour inconnues. Le tout formant un assemblage unique au monde.

Tout en livrant ses dernières salutations à ses collaborateurs, la semaine dernière, Mme Bissonnette, longuement applaudie, a «pris acte de cet acquis ferme» avant de procéder au lancement de deux publications importantes de BAnQ: Bibliothèque et Archives nationales du Québec - Un siècle d'histoire et le premier numéro de la Revue de BAnQ.

Un siècle d'histoire retrace d'abord la naissance et l'évolution des bibliothèques montréalaises: de l'OEuvre des bons livres des sulpiciens à la Bibliothèque municipale de Montréal, pionnière des «bibliothèques sans prêtre». Dans une métropole où, par ailleurs, les élites ont longtemps considéré la lecture comme un «luxe» qui leur était réservé, ce qui explique, en partie, le retard que Montréal a toujours eu dans ce domaine sur ses semblables nord-américaines. Comment s'étonner ensuite de la situation encore plus déplorable dans le reste de ce Québec dont le premier ministre, Maurice LeNoblet Duplessis (1890-1959), se vantait de n'avoir «jamais lu un livre» ?

L'auteur d'Un siècle d'histoire, Denis Goulet, un historien attaché à la faculté de médecine de l'Université de Sherbrooke, n'a pas lésiné sur le détail dans cet ouvrage touffu (coédition BAnQ/Fides; 39,95$) dont la deuxième moitié des 360 pages porte sur le rôle des personnages de la saga de ce qui s'appelait au début, à l'image de son modèle français, la «Très Grande Bibliothèque»; en tête d'affiche: Lucien Bouchard, Clément Richard, Louise Beaudoin, Lise Bissonnette.

Au-delà des personnalités toutefois, on retiendra les immenses difficultés qui se sont toujours posées à la société québécoise pour aller à la rencontre de sa propre culture - et s'y reconnaître.

Quant à la Revue, elle s'inscrit dans la mission scientifique de BAnQ - à côté de l'acquisition, de la conservation et de la diffusion du patrimoine publié, archivistique et filmique québécois. Il s'agit d'une revue savante (et annuelle; 124 pages, 15$; peut être consultée sur le site), la première du genre ici qui ne sorte pas d'une université. On sent d'emblée l'intention d'envoyer l'érudit non pas à la rencontre de ses seuls amis lettrés mais d'amener le non-initié, intelligent et intéressé, à un niveau supérieur de connaissance. À preuve: cet excellent article de Danielle Léger et Isabelle Robitaille, toutes deux de BAnQ, sur les affiches de spectacles (Ephemera spectaculi) du XIXe siècle: 12 pages de texte, une page de sources. Vivement le numéro 2!