De même que le Québec s'intéresse beaucoup moins au cinéma et à la musique créés en France depuis une trentaine d'années, au profit du cinéma et de la musique faits ici, de même la poésie française contemporaine n'apparaît plus beaucoup sur notre radar culturel.

La dernière livraison de la revue Moebius (associée aux éditions Triptyque) vient remédier un peu, et bellement, à la chose: intitulé Ouvrir le XXIe siècle - 80 poètes québécois et français, le numéro 136 de la revue est une anthologie de poèmes écrits par 40 Québécois et 40 Français, qui ont en commun d'avoir publié au moins un recueil depuis 2000.

Pour concevoir ce numéro hors norme qui a l'épaisseur d'un livre et publié tant en France qu'au Québec, Moebius s'est associée aux Cahiers du Sens, revue de l'éditeur de poésie française Le Nouvel Athanor (qui a procédé à la sélection des poètes et des textes de l'Hexagone).

Le plaisir qu'on tire de cette lecture est à la hauteur du défi. Qu'ils viennent d'un ou de l'autre côté de l'Atlantique, les mots trouvent des résonances. On se surprend à vouloir en savoir plus sur tel poète, on a le goût de se procurer le recueil de tel autre, on a besoin de retrouver dans la bibliothèque le livre de celui-ci ou de celle-là, de lire à voix haute certains des textes ou, au contraire, d'en éviter certains autres. Bref, on a envie de lire de la poésie.

En fin d'ouvrage, tous les poètes ont droit à une notice essentiellement bibliographique. Courtepointe ou mosaïque arbitraire, cet Ouvrir le XXIe siècle? Telle n'est pas la question. «Où va la poésie?», demandent les éditeurs dans leurs prologues. Grâce à ce numéro spécial, la poésie va chez les humains.