Quand il était enfant, Charles McGrath jouait tous les jours au golf avec son petit frère. Ils pouvaient faire jusqu'à 54 trous dans une seule journée au petit parcours de 9 trous, voisin de la maison familiale. À 16 ans, l'ambiance du début des années 70 l'a poussé à sacrifier le golf sur l'autel de l'antiélitisme.

À 54 ans, M. McGrath est maintenant journaliste littéraire au New York Times. Et il vient de publier une anthologie de textes littéraires sur le golf, sport qu'il a repris avec enthousiasme dans la quarantaine.

«J'avais probablement exagéré le conservatisme et le côté réactionnaire des golfeurs quand j'étais adolescent», explique-t-il en entrevue téléphonique à La Presse. «Je joue très souvent sur les golfs publics et je vois une grande variété de gens. La popularité du golf a beaucoup élargi son public, en grande partie grâce à Tiger Woods.»

La quinzaine de récits incluent une nouvelle de P. G. Wodehouse, qui a écrit de nombreuses histoires de golf, un passage de Goldfinger de Ian Fleming, le père de l'agent 007, d'autres de Francis Scott Fitzgerald et de John Updike. Plusieurs nouvelles, dont celle de Fitzgerald, racontent une obsession pour une belle golfeuse du club. «C'est un thème très fréquent dans la littérature de golf», dit M. McGrath. Fleming, lui, raconte un bras de fer rhétorique et viril entre Goldfinger et James Bond.

Vie d'enfant misérable

La nouvelle de Wodehouse, qui est la première de l'anthologie, décrit la «peste la plus prononcée de notre civilisation moderne complexe», soit le «golfeur qui parle trop». Un patriarche du club de golf se fait référer à une agence de conversation, afin d'apprendre à faire la cour à la femme qu'il convoite. Mais il devient trop loquace et personne ne veut plus jouer avec lui. Il est finalement ramené à ses sens par un coup de bâton de sa belle. Au passage, on apprend d'anciens noms de bâtons, comme «brassie» pour un bois no 2.

Pourquoi M. McGrath a-t-il recommencé à jouer? «Je l'aurais probablement fait plus tôt, n'eût été mes deux enfants. Quand j'ai eu à nouveau du temps libre la fin de semaine, j'étais éditeur du New York Times Magazine et je lisais souvent des textes de grands écrivains sur le golf, comme John Updike ou Herbert Warren Wind, un merveilleux journaliste de golf du New Yorker. Ça m'a redonné le goût. Ça m'a fait oublier que le golf m'avait apporté beaucoup de frustrations quand j'étais petit. Mon petit frère était meilleur que moi malgré les deux ans d'écart et, comme j'avais mauvais caractère, je trouvais ça terriblement injuste. Le golf a souvent rendu ma vie d'enfant misérable.»

Selon le journaliste new-yorkais, il y a davantage de bons textes littéraires sur le golf que sur n'importe quel autre sport. «C'est probablement parce que les golfeurs sont des gens habitués à prendre leur temps, une qualité qui s'applique bien à la lecture. Les années vingt et trente constituent l'âge d'or du journalisme sportif et plusieurs grands écrivains de l'époque ont écrit des récits et des nouvelles intéressantes sur le golf. On ne peut pas en dire autant du baseball ou du hockey.»

Revues spécialisées

Au fil des ans, M. McGrath a commencé à écrire pour les revues spécialisées sur le golf. «C'est une excellente combine. On me paie pour aller jouer en Écosse ou en Irlande.»

Au passage, il s'est laissé aller à des considérations sociologiques. «On voit de plus en plus de femmes, mais l'unité sociale de base du golf, le quatuor (foursome), reste masculine. Au mieux, on verra deux couples, mais presque jamais quatre femmes. Ma belle-soeur a commencé à jouer parce qu'elle en avait assez de voir son mari disparaître toutes les fins de semaine malgré ses récriminations. D'autres jeunes femmes commencent à jouer pour des raisons professionnelles, parce que les affaires se font encore sur le vert, même si cela est moins fréquent qu'autrefois pour des raisons de productivité.»

Le golf ne s'est-il pas démocratisé parce que ce n'est pas un sport très exigeant? «Si vous n'êtes pas en forme, c'est plus exigeant que ça en a l'air. Mentalement, c'est dur. Et si on décide de marcher, c'est vraiment de l'exercice. Je joue aussi au hockey, alors je peux en témoigner.»