Quel choc! Quelle puissance d'évocation! Quel projet inspiré! Quel pari fou et admirable! On peine à se retenir d'ajouter encore des superlatifs pour parler de Poésie, sandwichs et autres soirs qui penchent, l'émouvant cabaret poétique créé par Loui Mauffette, repris ce week-end au Festival international de littérature.

Il y a d'abord le choix et l'agencement des poèmes empruntés à Rimbaud, Nelligan, Miron, Geneviève Desrosiers et bien d'autres. Il y a les quelques chansons interprétées avec un accompagnement musical minimal par des comédiens qui chantent magnifiquement (Catherine Vidal et Anne Dorval, entre autres) et une grande chanteuse, Diane Dufresne, qui sait faire danser les mots sur la musique.

Il y a surtout cet esprit collectif, un plaisir de participer à une célébration de la parole éminemment palpable au sein de l'imposante distribution faite d'acteurs connus (Maxim Gaudette, Maxime Denommée, Benoît McGinnis, Bénédicte Décary, Pascale Montpetit, etc.) et moins connus. Leur engagement sincère fait penser à celui qu'on sent aussi dans la confrérie des Douze hommes rapaillés.

Loui Mauffette, qui a sélectionné les textes et qui signe la mise en scène, a construit avec délicatesse et doigté un spectacle où il est question de la mort, mais surtout de désir: envie d'aimer, de rire, de baiser, de célébrer la beauté et de danser sur les tombes. De l'envie de vivre.

Poésie, sandwichs et autres soirs qui penchent dure deux heures et quart. Sans entracte. Plus de deux heures pendant lesquelles on ne cogne pas un clou, trop enivré par Maxim Gaudette disant Le bateau ivre, trop étonné de voir comment Francis Ducharme peut encore insuffler une émotion brute au Je t'écris pour te dire que je t'aime de Miron, trop occupé à retenir ses larmes quand la jeune Nathalie Doummar chante Une sorcière comme les autres d'Anne Sylvestre.

Et parfois simplement trop occupé à rire devant ces acteurs qui miment une orgie ou l'exceptionnel Marc Béland qui s'adonne à une lecture très physique de Je danse de Jean-Paul Daoust. Surréaliste et hilarant. Poésie, sandwichs et autres soirs qui penchent est la «nuit de la poésie» des années 2000.