La rentrée coïncide avec l'arrivée des dictionnaires populaires qui portent déjà le millésime 2010. C'est aussi l'occasion choisie par d'autres éditeurs pour présenter des ouvrages dont la valeur marchande s'étend sur plusieurs années.

Lancée en juin, la cinquième édition du Multidictionnaire de la langue française de Marie-Éva de Villers connaît un tel succès qu'il en est déjà à son deuxième tirage.

 

À le feuilleter, on comprend vite pourquoi. Il est conçu pour faciliter l'usage du français au travail, avant tout pour nous Québécois et Canadiens français, confrontés plus que tout autre francophone à l'anglophonie. Sa nécessité et son succès ne se démentent pas depuis 20 ans.

La présente mouture ajoute des citations d'auteurs et de paroliers d'ici, de nouveaux substantifs ou expressions propres à notre réalité comme cliquable, génothèque ou le fameux accommodement raisonnable. Il relève aussi les anglicismes notoires dont l'équivalent français n'est pas toujours évident. Pensons à back-up que l'auteur suggère de remplacer par sauvegarde. Il relève les calques tel agenda secret qu'il faudrait remplacer, suggère-t-elle, par stratégie secrète.

Mme de Villers réédite aussi La Nouvelle Grammaire en tableaux. Elle soulève clairement les pièges qui nous guettent le plus tout en proposant des solutions pratiques.

La parution la plus originale du côté québécois vient de chez Fides. Le nouveau Dictionnaire d'homonymes et de paronymes d'André Couture ravit les amoureux de cette langue belle, mais difficile parfois. Si tout le monde connaît le premier groupe, il en reste plusieurs qui se perdent en conjectures sur la conjoncture.

M. Couture ne recense pas moins de 6800 entrées auxquelles se rapportent plus de 15 500 formes de mots, le tout avec humour: «Les Japonais sont prêts à verser des milliers de yens pour les rognons d'une hyène, un animal très rare à Yenne.»

Dicos français

Du côté français, la grande nouveauté cette année est le Dixel réalisé par Le Robert.

Tout en quadrichromie, le Dixel emprunte la formule encyclopédique: un seul classement alphabétique des mots de la langue et des noms propres selon une formule déjà adoptée par le Dictionnaire Hachette (qui reste le meilleur rapport qualité-prix sur le marché). Il va cependant plus loin grâce à son site internet dont l'accès est gratuit pendant cinq ans. On y trouve une foule d'informations et un mode de consultation pratique par hyperliens.

Un soin particulier a été apporté à la mise en pages et aux entrées de noms propres qui mettent l'accent sur la modernité: si Barack Obama entre dans tous les dictionnaires cette année, seul le Dixel traite du chanteur Alain Bashung. Avec ce produit, les éditions Le Robert parviendront peut-être à gruger les parts de marché du plus populaire des dictionnaires Le Petit Larousse.

Le champion ne se laissera pas déclasser facilement, cependant. Pour les 120 ans de son icône, La Petite Semeuse, Larousse prétend proposer une édition collector, un anglicisme - un de plus! - qui désignerait un «objet recherché par les collectionneurs pour son originalité et sa rareté». Le Hachette et Le Robert acceptent aussi ce mot qui fait l'affaire des publicitaires, mais pas le Multi.

Pour justifier cet argument de vente, la maison qui sème à tout vent a fait appel à des illustrateurs, dont André-Philippe Côté, caricaturiste au quotidien Le Soleil, pour mettre en images 400 mots. Son dessin d'idéologie est des plus réussis. Parmi les québécismes qui font leur entrée, mentionnons motton, dont les trois sens sont donnés.

Motton ne figure pas dans Le Nouveau Petit Robert, qui fait pourtant la part belle aux régionalismes de la francophonie au point parfois de surprendre: passent les oka, pitoune (au seul sens forestier, il va sans dire), poutine et autres jambette ou trâlée, mais fallait-il préciser que pain français est la façon que nous avons de désigner la baguette?

Reste que la consultation du Petit Robert s'avère souvent ludique, malgré sa présentation austère.