Lauréate du prix du Gouverneur général et finaliste au Giller's (pour Le Cercle parfait', paru en 2003), mère d'une petite fille, nouvellement établie en Angleterre, artiste-peintre exilée en Italie pendant 10 ans, Pascale Quiviger a la citoyenneté et l'identité plurielles.

À Montréal pour une «visite familiale», elle a rencontré La Presse la semaine dernière pour parler de son dernier roman, La maison des temps rompus.

Quelques jours avant ma rencontre avec Pascale Quiviger, l'attachée de presse m'informe qu'elle est très aimable et qu'elle sera ravie de parler de son livre. Seulement voilà: on me précise aussi que Mme Quiviger préfère éviter les questions personnelles. Une consigne qui, évidemment, pique ma curiosité. Quelques clics sur Google plus tard, je découvre qu'elle est mariée à un politicien bien en vue du Labour Party.

Mais fermons le carnet mondain et attardons-nous à une dimension beaucoup plus passionnante de Pascale Quiviger: son rapport à la création. Écrire, pour elle, s'apparente à une méditation, à l'écoute d'une voix intérieure.

«Dans mon cas, écrire est toujours une improvisation. Je ne sais absolument pas où ça s'en va ni comment les personnages vont s'incarner. Ils m'apparaissent avec leurs visages, leurs inquiétudes, comme si j'avais à les interroger. Si j'avais un plan en partant, j'aurais l'impression de faire de la peinture à numéros.»

Il y a 10 ans, l'auteure est partie pour l'Italie, financée par une bourse d'estampes. À la fin de son séjour, elle a jeté son billet de retour. Elle a enseigné les arts visuels au pays de Modigliani, qu'elle a quitté en janvier dernier pour s'installer à Nottingham, en Angleterre. «J'ai essayé, en vain, d'avoir deux vies», s'amuse-t-elle.

Elle dit travailler en jachère: la peinture vient nourrir l'écriture lorsque les mots ne viennent pas. Et vice-versa. «Quand j'étais petite, on m'a dit que je devrais choisir. Mais j'ai toujours l'impression d'être tiraillée entre la peinture et l'écriture: comme si j'avais deux enfants et que, si je m'occupais de l'un d'entre eux, je négligeais l'autre.»

En fin de compte, les deux formes d'expression se nourrissent et se contaminent. «Je vois La maison des temps rompus comme un tableau abstrait, comme un diptyque qui serait uni par la couleur. En fait, je pense que cette organisation vient du fait que j'improvise, que j'écris par fragments.»

Le salut dans l'exil

Le «projet vague» qui a mené à l'écriture de La maison des temps rompus a pris racine au moment où Pascale Quiviger était enceinte d'Élie, aujourd'hui âgée de deux ans et demi. «C'est probablement pour cela que mon roman est si féminin», admet-elle.

À travers ses personnages d'amies, de mères, de soeurs, d'aides, qui vivent toutes des difficultés, Quiviger a voulu parler de la façon dont les individus font face aux épreuves et se soutiennent. En d'autres termes, mettre en lumière le courage quotidien, qui fait contraste avec le sanglant, le sensationnel et tout ce qui fait de bonnes manchettes dans les journaux. «Je voulais aller dans la simplicité, parler du courage que ça prend pour se lever le matin.»

La mer est omniprésente dans l'écriture sobre et imagée de Quiviger, qui a construit son roman en cinq «cahiers». Le récit débute par l'exil d'une femme anonyme dans une maison idyllique en bordure de l'océan. Un espace entre la folie et le réel, qui traduit le besoin du personnage de créer de l'espoir, pour assurer sa survie. «Moi-même, je n'ai pas résolu le problème de savoir si la maison existait ou pas. Comme si je m'ouvrais à la possibilité d'une dimension parallèle.»

Elle confie que, pour elle, l'exil est devenu un mode de vie qui lui offre un recul intéressant pour sa création. «L'exil m'a permis de faire fondre les frontières et le sens de l'appartenance. Après 10 ans, je reviens ici et, même si beaucoup de choses me sont familières, j'ai une distance. Bien que je sois attachée au Québec, je ne peux pas dire que je prends part aux problématiques d'ici, comme je l'aurais fait autrefois. Ma façon d'être citoyenne est plus globale et liée à des enjeux planétaires: la cause environnementale, l'économie mondiale qui fonce dans un mur, le fait que l'on doive appeler à des solidarités plus vastes que celles d'une petite nation.»

LA MAISON DES TEMPS ROMPUS

Pascale Quiviger, Éditions Boréal, 238 pages.