Dans son 16e roman, Nina Bouraoui raconte le douloureux chemin de l'acceptation de son homosexualité. Une acceptation qui ne va pas de soi lorsqu'on est Algérienne et qu'on a grandi dans un milieu plutôt conservateur. Car oui, on peut être homosexuel et homophobe, se détester soi-même et rejeter cette communauté de femmes qui finira par devenir la nôtre.

Ce sont ces sentiments si opposés et déchirants que décrit Bouraoui dans cet ouvrage divisé en courts chapitres - intitulés «savoir», «se souvenir», «devenir» -, dans lesquels l'auteure alterne entre les scènes d'enfance en Algérie et la découverte du Katmandou, bar du 6e arrondissement de Paris fréquenté par les lesbiennes dans les années 90.

«Savoir», c'est l'histoire familiale, celle des grands-parents et des parents, l'arbre généalogique de l'auteure.

«Se souvenir», c'est l'enfance de Bouraoui: sa mère, omniprésente, à qui elle voue un amour profond. C'est aussi Ali, l'ami, le complice et le témoin des premières expériences. C'est surtout la compréhension intuitive, dès un très jeune âge, qu'on n'est peut-être pas comme les autres, qu'on est différente. 

L'enfance, c'est aussi le soleil de l'Algérie que l'auteure quittera pour venir s'installer à Paris avec sa mère et sa soeur. Déracinée, différente, la jeune Nina tentera de reconstruire son identité.

«Devenir», c'est la découverte du monde de la nuit, un peu glauque, menaçant, parfois violent, peuplé de personnages inquiétants, du moins aux yeux de la jeune femme de 18 ans qui se méfie de ses propres pulsions. C'est la peur, la violence, la honte, puis la lente acceptation de soi et, ultimement, la joie d'«être».

Les chapitres sont comme de petits tableaux que Bouraoui peint d'un coup de pinceau vif et nerveux. La langue est belle, évocatrice. Un très beau roman qu'on souhaiterait glisser dans les mains de bien des jeunes en quête de leur identité.

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Tous les hommes désirent naturellement savoir. Nina Bouraoui. JC Lattès.