L'art de perdre est une leçon d'histoire sans vainqueurs. Dans ce roman fouillé, Alice Zeniter raconte le parcours d'une famille kabyle bouleversée par la guerre d'Algérie. Une histoire inspirée par celle de sa famille paternelle.

Personnage central, Naïma vit en France et décide de s'intéresser à ses racines, notamment à son grand-père Ali, paysan algérien qui fit la guerre de 39-45 et quitta le Constantinois pour la France quand le FLN menaça sa sécurité et celle de sa famille.

L'aventure française en Algérie, au nom d'une «oeuvre civilisatrice», s'est achevée dans le sang et la terreur. Ali avait beau ne pas vouloir prendre parti, il s'était rangé du côté des Français pour protéger son village.

«Protégé d'assassins qu'il déteste par d'autres assassins qu'il déteste». Elle relate ensuite la misère de ces «harkis» vivant dans des camps français où il arrivait qu'on n'apprenne pas aux enfants algériens à lire et à écrire en français, car l'instituteur jugeait que «c'est trop compliqué». Il préférait leur faire dessiner des fleurs et leur apprendre le rugby...

Se penchant sur trois générations d'Algériens en France, L'art de perdre instruit et bouleverse à la fois. Il illustre à quel point l'intégration dans le respect des différences est, comme la mémoire, un défi de taille dans une société multiculturelle en quête d'harmonie. 

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L'art de perdre. Alice Zeniter. Flammarion. 512 pages.