On dirait un pamphlet qui vient éclairer des détails honteux précédant la Seconde Guerre mondiale, qu'on se plaît trop souvent à décrire de façon épique dans la littérature et au cinéma.

Plus précisément ce qui a mené à l'annexion de l'Autriche par l'Allemagne en 1938. Ces jeunes filles qui applaudissent l'arrivée des chars allemands, tandis qu'une vague de suicides est passée sous silence dans les médias. L'écrasement misérable du chancelier Schuschnigg face au comportement mafieux de Hitler et plus généralement le laxisme envers les nazis.

«Ce qui étonne dans cette guerre, écrit Vuillard, c'est la réussite inouïe du culot, dont on doit retenir une chose: le monde cède au bluff. Même le monde le plus sérieux, le plus rigide, même le vieil ordre, s'il ne cède jamais à l'exigence de justice, s'il ne plie jamais devant le peuple qui s'insurge, plie devant le bluff.»

Et Vuillard de nommer les financiers de ce régime qui allait faire basculer le monde dans l'horreur, en profitant du travail forcé des camps : Bayer, BMW, Daimler, IG Farben, Agfa, Shell, Telefunken, Siemens, Krupp, Opel... Et derrière nos objets de consommation, des armées de fantômes.

Puissant récit qui se lit d'une traite, avec stupeur et effroi.

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L'ordre du jour. Éric Vuillard. Actes Sud. 150 pages.