On s'abîme au coeur du drame dès les premières pages et on en ressort chaviré par l'émotion qui transpire de cette brillante autofiction écrite à la deuxième personne - sans doute l'une des oeuvres les plus marquantes de Catherine Cusset, qui figure sur les listes préliminaires de quatre prix cet automne, dont le Goncourt.

Ce «tu» à qui s'adresse l'auteure d'Une éducation catholique est Thomas, l'ami intime «dont on n'a pas sauvé la vie», un grand gaillard qu'elle a rencontré à 20 ans et qui s'est suicidé avant d'atteindre ses 40 ans.

Dans un récit sans fausse note ni temps mort, dont l'intensité s'accorde au crescendo dramatique de sa vie, la narratrice raconte l'histoire de ce jeune homme ambitieux et intelligent, passionné de littérature et de cinéma, qui s'exile aux États-Unis à 23 ans; ses conquêtes et ses rêves, mais aussi ses relations catastrophiques et son «exubérance épuisante», signe d'un trouble plus profond.

Et tout au long de sa chute l'accompagnent les mots de Proust et de ces écrivains qu'il vénérait, dont l'écho résonne avec une telle justesse qu'ils donnent l'impression d'avoir été écrits pour lui. 

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L'autre qu'on adorait. Catherine Cusset. Gallimard. 304 pages.