Conteur hors norme, Stephen King atteint des sommets quand il parle écriture, quand il met en scène des écrivains, quand il se penche sur la relation entre le créateur et son oeuvre, quand il étudie les liens entre le romancier et ses admirateurs.

On pense à Misery, on pense à La part des ténèbres, on pense à Shining - L'enfant lumière. On pensera désormais aussi à Carnets noirs.

Le maître de l'horreur retourne ici au genre polar qu'il a exploré dans Mr Mercedes. Il en reprend les personnages principaux (enfin, ceux qui ont survécu), avec, à leur tête, le détective à la retraite Bill Hodges.

En fait, King fait plus que ça. Il nous ramène à la scène d'ouverture du premier tome de ce qui sera une trilogie.

Impossible de l'avoir oubliée: un chauffard fauche volontairement des chômeurs qui font la file devant un auditorium dans l'espoir d'obtenir un emploi. Carnets noirs raconte de nouveau cette scène, mais travers un autre point de vue, d'autres personnages. Ce sont les répercussions chez ces nouveaux venus que l'on suivra.

Répercussions directes et indirectes. Ici, retour dans le passé. En 1978. Alors que le romancier John Rothstein a depuis longtemps abandonné l'écriture, au grand désespoir de millions de lecteurs avides de connaître la suite du destin de Jimmy Gold. Mais, bon, le lecteur est un être infidèle et il passe à autre chose. Pas Morris Bellamy. Lui est fou de colère. Une rage que le temps ne fait qu'attiser. Sa vengeance, il va la consommer froide. Tuer le vieil homme. S'emparer de son argent et, surtout, de ces dizaines de carnets dans lesquels l'écrivain a continué à faire vivre ses personnages.

Sauf que le destin va jouer un mauvais tour au meurtrier. Que le temps va couler. Que les carnets vont se retrouver dans d'autres mains avant qu'il puisse en consommer le contenu, et que... Et que Bill Hodges va s'en mêler. Par la bande. Puis, par la grande porte.

C'est l'intrigue. Mais Carnets noirs est plus, bien plus que cela.

Comme dans Misery, il y a tout ce que Stephen King dit de l'écriture, du pouvoir de la fiction, des relations entre l'auteur et ses lecteurs.

Il y a là beaucoup d'amour. De force. De passion. Et qui dit passion dit détournement de sentiments.

Et il y a là, aussi, un merveilleux personnage. Un de ces jeunes à l'image de ceux que l'on a vus dans Carrie, dans Ça, dans Coeurs perdus en Atlantide, dans Christine, dans La petite fille qui aimait Tom Gordon, dans Joyland. Les lecteurs de John Rothstein n'ont jamais oublié Jimmy Gold. Ceux de Stephen King n'oublieront jamais Peter Saubers.

* * * *

Carnets noirs. Stephen King (Traduit par Océane Bies et Nadine Gassie). Albin Michel, 450 pages.

Un auteur et ses écrivains

Shining - L'enfant lumière (1977): Jack Torrance, sa femme et leur fils s'installent à l'hôtel Overlook, dans les Rocheuses du Colorado, dont ils seront les gardiens pendant l'hiver. Solitude et isolement: idéal pour un écrivain en quête d'inspiration, non? Non.

Misery (1989): Écrivain riche et célèbre grâce à son héroïne Misery Chastain, Paul Sheldon a un accident de voiture. Blessé, il est recueilli par Annie Wilkes, qui se dit sa plus grande admiratrice. Et qui n'accepte pas du tout que le romancier ait tué son personnage préféré

La part des ténèbres (1990): Sous le nom de George Stark, Thad Beaumont signe des romans hyper violents et super populaires. Jusqu'au jour où il décide de «tuer» son alter ego. Funérailles, enterrement. Mais se pourrait-il que le pseudonyme n'accepte pas son sort?

Minuit 2 (1990): L'écrivain Mort Rainey est accusé de plagiat par un certain John Shooter. Il est vrai qu'il existe des similarités entre la nouvelle du premier et le manuscrit du second. Mais ce serait une coïncidence. Sauf que Shooter porte bien son nom de famille. Et Mort, son prénom...

Histoire de Lisey (2007): Lisey est la veuve du romancier Scott Landon. En rangeant le bureau de ce dernier, elle découvre des indices qui l'entraînent dans des coins sombres - et oubliés - de leur histoire. Il y a aussi ce type inquiétant, Jim Dooley, qui exige qu'elle lui donne les écrits inédits de Scott.

Nuit noire, étoiles mortes (2010): Tess écrit des romans policiers légers en intrigues, «lourds» en succès. En rentrant chez elle après une conférence donnée dans une bibliothèque, elle est victime d'une crevaison. Est «secourue» par un homme de grande taille. Et c'est là que tout dérape vraiment.

Joyland (2014): En 1973, Devin Jones est, de son propre aveu, «un puceau de 21 ans qui rêve de devenir écrivain». Tout va changer durant l'été où il travaillera au parc d'attractions de Heaven's Bay. Quarante ans plus tard, il est devenu écrivain. Et il raconte ces semaines-là.

Écriture - Mémoires d'un métier (2001): Une oeuvre importante et dans une classe à part, sinon un essentiel, que cet essai où Stephen King fait partager sa manière d'aborder l'écriture. C'est clair, simple, terre à terre. Et inspirant. Bien des écrivains ou aspirants écrivains en possèdent un exemplaire usé à force d'avoir été lu, surligné, annoté, chéri.