Le Kannjawou, c'est un bar dont le nom désigne une grande fête. L'un des rares endroits où se mêlent à la population locale les « forces d'Occupation » - soldats « aux uniformes inconnus », coopérants des ONG et employés des institutions internationales dont les véhicules blindés et les tout-terrain envahissent une ville jamais nommée.

Avec la langueur propre aux états d'âme de ses protagonistes, Lyonel Trouillot, écrivain haïtien engagé et professeur de littérature à Port-au-Prince, décrit le quotidien d'une bande de jeunes, éduqués mais désoeuvrés, qui traînent autour du Kannjawou en quête d'appartenance. Il y a Wodné, Joëlle, Sophonie, Popol et le narrateur, qui lit trop de romans et se plaît à raconter dans ses carnets le quotidien de la jeunesse sans espoir de la rue de l'Enterrement. «Que sommes-nous ? demande-t-il. Zombies ou voleurs de cercueils ?»

Devant leur incapacité à imaginer l'avenir, certains glissent lentement dans la fatalité, d'autres militent pour «un je ne sais quoi qui n'arrive jamais».

Trouillot, qui a manqué de peu le prix Goncourt en 2011 pour La belle amour humaine, prouve à nouveau dans ce roman ses talents de conteur grâce à une écriture fluide et puissante, évocatrice de la révolte qui gronde en sourdine. 



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Kannjawou
, Lyonel Trouillot. Actes Sud, 208 pages.