Cela fait maintenant 21 ans que près de 900 000 Tutsis furent «coupés» à la machette, en trois mois de massacres quotidiens. Désormais, ce sont les enfants des tueurs et des rescapés qui doivent porter ce poids de l'innommable, et le tabou qui règne entre les «avoisinants» des collines du Bugesera, où Hatzfeld revient - c'est son cinquième livre sur le génocide depuis Une saison de machettes, publié en 2003.

Dans les villages où l'on survit durement de la culture de la terre, vivent côte à côte ceux qui vécurent les tueries, coupables et victimes. Leurs enfants sont maintenant âgés de 16 à 20 ans, ils ont été instruits par la Semaine du deuil, plutôt que par les mots de leurs familles.

On ne pose pas vraiment de questions au «papa de sang», par respect, ni même aux rescapés, pour ne pas les blesser. On veut savoir, tout en n'osant pas parler du pire. Hatzfeld ne parle jamais à la place de ceux qu'il interroge, et cette éthique de l'écoute laisse au discours le temps de dire le traumatisme profond.

Des récits de vie, sans fard, rendus dans un parler rwandais pétri de figures de style, d'une poésie inouïe.

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Un papa de sang. Jean Hatzfeld. Gallimard. 262 pages.