Que se passe-t-il lorsque la Terre promise ne tient pas ses promesses? Americanah, troisième roman de l'auteure nigériane Chimamanda Ngozi Adichie - dont 500 000 exemplaires ont été vendus aux États-Unis et au Royaume-Uni -, dresse le bilan d'une émigration douce-amère, alliant réussites et renoncements.

Ifemelu, auteure d'un blogue sur les relations raciales et conférencière recherchée, se rend dans un salon de coiffure de Trenton, au New Jersey, afin de s'y faire tresser les cheveux. Dans quelques jours, elle rentre au Nigeria, après un long séjour aux États-Unis. Bien qu'elle peine à se l'admettre, elle souhaite y retrouver Obinze, son amour de jeunesse qui devait venir la rejoindre en Amérique.

À son arrivée en sol américain 15 ans auparavant, Ifemelu, qui a obtenu un visa d'étudiante, fait deux constats déterminants: la couleur de sa peau lui causera de nombreux ennuis et le confort de la vie occidentale est bien relatif quand on se trouve au bas de la pyramide sociale.

D'employée de cantine à gardienne d'enfants, de rédactrice dans une grande entreprise à conférencière, la Nigériane désargentée maîtrisera graduellement les codes de ce pays mythifié par les siens.

Malgré ses succès, elle ne réussit pas tout à fait à oublier Obinze, dont le parcours d'émigré au Royaume-Uni, beaucoup moins heureux que le sien, est raconté en parallèle.

Portrait sans complaisance

Au fil des quelque 500 pages d'Americanah, Chimamanda Ngozi Adichie brosse, à travers le parcours d'Ifemelu, le portrait sans complaisance d'une société américaine hantée par un racisme généralisé qui constitue un choc pour l'Africaine «devenue» Noire en quittant son pays d'origine.

Les Américains progressistes et bien intentionnés ne sont pas épargnés par les réflexions caustiques de la narratrice qui décortique l'hypocrisie de chacun et les malentendus, générateurs de conflits, avec lesquels doit sans cesse composer l'immigrante noire refusant de se plier à l'image souvent condescendante que ses interlocuteurs se font d'elle.

La société nigériane est dépeinte de manière tout aussi irrévérencieuse dans les nombreux passages du roman se déroulant dans le pays d'origine d'Ifemelu. L'Afrique urbanisée et à la culture mondialisée qui y est décrite est à mille lieues d'une vision dépassée toujours répandue en Occident.

Le ton ironique du récit, bien qu'empreint d'une grande sensibilité, permet d'éviter le romantisme mièvre dans un roman dont le coeur de l'intrigue est la séparation de deux amoureux de jeunesse qui rêvent de se retrouver.

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Americanah. Chimamanda Ngozi Adichie. Gallimard, 523 pages.