Banksy est le plus connu des artistes de rue dans le monde. Enfin, connu dans la mesure où l'on sait qu'il existe. Les murs parlent et les siens sont particulièrement éloquents et irrévérencieux. L'artiste britannique préfère rester incognito et ne parler qu'à visage couvert.

Inspiré de Banksy, Sniper (le franc-tireur du titre) est l'un des personnages principaux du plus récent thriller d'Arturo Pérez-Reverte. Il s'agit d'un artiste espagnol reconnu internationalement, effrontément talentueux et recherché par tous, mais également secret. Les comparaisons s'arrêtent là.

Dans ce roman au rythme soutenu, plusieurs accusent Sniper, ce «terroriste de l'art», d'avoir causé la mort de jeunes artistes de rue en organisant des séances de graffitis dans des endroits illégaux et dangereux. Le célèbre graffeur espagnol affirme d'ailleurs que «si c'est légal, ce n'est pas de l'art».

Arturo Pérez-Reverte n'est pas un grand styliste et son récit emprunte des sentiers déjà encombrés, mais cette plongée dans l'art de rue et la vie des jeunes artistes qui le pratiquent est fascinante. Le romancier recrée un milieu grouillant de vitalité et de créativité, tout en réfléchissant au rôle de l'art dans nos sociétés modernes.

La nuit, tous les graffeurs sont gris et l'auteur sait nous placer entre murs et artistes. Il décrit fort bien des personnages ambigus et des espaces glauques, dominés par la peur, mais où l'adrénaline coule aussi bien que la peinture en aérosol sur les murs.

Artiste pourchassé

Lex, jeune spécialiste de cet art éphémère et sauvage, traque Sniper. Elle est à la solde d'un riche éditeur qui veut organiser une exposition au MoMA et publier une monographie des oeuvres de ce génie du «seul art qui n'est pas à vendre». Lex ira de surprises en découvertes avec des artistes de rue des plus inquiétants aux plus naïfs, entre Madrid et Lisbonne, Vérone et Naples.

Des tueurs emboîtent le pas, embauchés par un homme d'affaires persuadé que son fils est mort en raison d'une action radicale de Sniper. Mais qui trouvera le graffeur le premier?

On tourne les pages avidement avec ce roman qui s'interroge sur le mariage maudit entre l'art et le commerce, qui fouille la vie d'artistes marginaux et dénonce la drogue économique.

La finale laisse bouche bée, mais l'amour triomphe, en quelque sorte... Sauf que ce n'est peut-être pas celui auquel on aurait pensé.

* * * 1/2

La patience du franc-tireur. Arturo Pérez-Reverte. Seuil, 259 pages.