Jeune poète américain en résidence d'artiste à Madrid pour écrire sur le franquisme, Adam ignore tout de la guerre civile, comprend très mal l'espagnol, et passe son temps à flâner, fumer du pot et lire Tolstoï entre deux siestes.

Fasciné par la possibilité d'une «profonde expérience esthétique» dont il se croit pourtant incapable, il est persuadé que tout n'est que projection: l'art nous touche-t-il vraiment ou bien sommes-nous touchés par l'idée d'être touchés?

Intelligent mais cultivant une absence de profondeur, Adam adopte une attitude ironique: «J'étais bidon, ça ne faisait aucun doute, mais qui ne l'était pas?»

Ce narrateur antipathique, replié sur lui-même, incapable d'amour et d'un véritable engagement politique, incarne un monde voué aux apparences, où rien ne semble réel, pas même l'attentat de la gare d'Atocha.

Après avoir vu les victimes, Adam s'empresse de rentrer chez lui pour s'informer... sur l'internet. Mais Adam est-il vraiment le jeune homme pitoyable et nonchalant qu'il prétend être?

L'ambiguïté de la narration, une drôlerie qui va crescendo et le regard d'un étranger sur l'Espagne, font tout l'attrait de ce roman intelligent.

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Au départ d'Atocha. Ben Lerner. Traduit de l'anglais par Jakuta Alikavazovic. Éditions de l'Olivier, 205 pages.