Cela devait être une belle croisière à bord du bateau français Le Marguerite, qui remonte le Mékong, du Viêtnam au Cambodge. Cela devient un naufrage: sans avertissement aucun, deux touristes désertent le navire, laissant derrière eux leur conjoint de longue date respectif.

Ce sont ces deux «naufragés» abandonnés sur le bateau qui s'expriment, tour à tour, dans ce roman concis, écorché vif, au rythme fulgurant. Ni lui ni elle, hébétés de douleur et de déni, n'ont le choix: dans l'espace clos du Marguerite, ils affrontent ensemble l'effondrement de leurs certitudes et les regards des autres passagers, sans faux-fuyant possible, le temps d'une croisière qui leur tient lieu paradoxalement de refuge contre la réalité.

Bref, c'est bel et bien un «exercice d'abandon», non du bateau, mais d'eux-mêmes, de leur dignité, illusions et masques qu'ils devront faire, côte à côte, sans évacuation praticable.

Catherine Guillebaud, aussi directrice de collection aux éditions Arléa, signe là un sixième roman où le décor exotique qui défile sur les rives, le quotidien de la vie à bord d'un navire, la cohabitation obligée, les ponts, les cabines, la salle à manger, l'échelle de coupée jouent tous un rôle. Les voyages forment parfois la détresse...

*** 1/2

Exercice d'abandon, Catherine Guillebaud, Seuil, 168 pages