Avec La classe de madame Valérie, François Blais s'éloigne des romans à une ou à deux voix auxquels il nous avait habitués pour nous offrir un impressionnant roman choral, qui se passe dans une classe de 5e année de Grand-Mère à la fin du mois d'octobre 1990. En entrant dans la tête et le quotidien de ces Philippe Châteauneuf, Coralie Vandal, Marie-Élyse Caron et autres, et en nous les faisant retrouver au cégep en 1997 puis dans leur vie de trentenaires en 2011, François Blais fait prendre à son oeuvre une dimension d'une profondeur insoupçonnée.

En fait, La classe de madame Valérie est un véritable tour de force littéraire, puisqu'il raconte 25 personnes à différents moments de leur vie et qu'on a véritablement l'impression de toutes les connaître lorsqu'on referme ce livre de 400 pages qui regorge de moments brillants et drôles, mais aussi empathiques et remplis d'humanité.

C'est grâce à son sens du détail qui tue, à son observation fine des comportements et à sa connaissance intime de la culture geek et populaire que François Blais réussit à déployer ce microcosme d'humanité sans qu'on s'ennuie une seconde. On aurait même été capable d'en prendre plus tellement l'écriture est précise et que cet entremêlement de petits et de grands drames de cours d'école a des résonances dans nos vies.

Qui aurait pensé qu'il pourrait un jour se passionner pour la psychologie du ballon chasseur ou être happé par la montée dramatique des résultats du concours du plus beau costume dans une classe de 5e année, le jour de l'Halloween?

Le thème du déguisement permet aussi à François Blais de parler de l'image, de celle qu'on projette et de ce qu'on est réellement, en allant toujours chercher la petite faille ou la lueur qui fait de chacun un être unique. Et il démontre avec brio que si on est à 30 ans ce qu'on était à 10, nos rêves, eux, en prennent pour leur rhume.

C'est ironique et douloureux à la fois, mais si la présence du narrateur est claire et qu'il ne cache pas son jeu, jamais on ne sent de manque de respect envers ces gens «ordinaires». Des gens qui travaillent dans une usine, dans un resto de serveuses «sexy» ou dans une caisse populaire, qui sont «sur le BS», tueur en série ou vendeur de thermopompes, dépressifs ou insomniaques - chaque cas est traité sur le même ton un peu détaché, avec le même rythme, la même langue actuelle et des dialogues vivants et éminemment crédibles.

On sent dans cette volonté de mettre en scène un éventail de personnages pour qui la quête existentielle n'est pas le principal enjeu de vie - on est loin, si loin des romans nombrilistes des trentenaires d'aujourd'hui - la marque d'un écrivain sensible et ouvert qui remporte son pari et n'offre rien de moins qu'une des plus grandes réussites littéraires de la saison.

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La classe de madame Valérie, François Blais, L'instant même, 401 pages.