Bien moins connu que ses compatriotes Borges, Cortázar, Sabato, Puig ou Casarès, Rodolfo Walsh appartient à cette race d'écrivains dont la vie fut des plus mouvementées, à l'image des tragiques soubresauts de son pays.

Considéré comme l'un des fondateurs du nouveau journalisme, il a été assassiné en 1977, au lendemain de la publication de sa célèbre «lettre ouverte d'un écrivain à la junte militaire».

Rendons grâce aux éditions Lux qui offrent la traduction en français de ses nouvelles, car nous y découvrons une esthétique unique, qu'on ne peut pas vraiment classer dans le «réalisme magique» qu'on attribue souvent à la littérature sud-américaine.

Rien de magique chez Walsh, sinon cet hallucinant art de l'ellipse, qui confère à ses récits une inquiétante étrangeté, teintée d'humour noir et de désespoir, où les mécaniques du pouvoir sont illustrées de façon si originale qu'à toutes les chutes, on tombe des nues.

Dialogue surréaliste entre un écrivain et un colonel sur le corps disparu d'Eva Perón, lettre de suicide d'un traducteur usé par des romans étrangers médiocres, et ce terrible diptyque qui donne son nom au recueil, situé dans un orphelinat irlandais en Argentine...

Ne ratez pas cette expérience de lecture inclassable.

Les métiers terrestres. Lux, 206 pages.