Après avoir connu un début de carrière fulgurant, Martin Page (Comment je suis devenu stupide, On s'habitue aux fins du monde) s'aventure depuis quelques années dans des projets moins classiques.

Après La mauvaise habitude d'être soi, recueil de nouvelles illustré par Quentin Faucompré, le revoici avec un ovni fascinant: L'apiculture selon Samuel Beckett, faux journal intime d'un secrétaire fictif qui a été l'assistant ébahi du célèbre dramaturge le temps d'un été.

Le jeune homme y dresse un portrait iconoclaste de l'auteur, éleveur d'abeilles, maniaque de chocolat chaud, excentrique barbu aux cheveux longs et amateur de costumes colorés tout le contraire de l'image austère que l'histoire a gardée de lui, quoi.

Amusant déboulonnage d'un mythe, questionnement sur la célébrité et le statut d'écrivain - «Il faut abandonner l'idée d'être compris et bien lu», fait-il dire à Beckett - , ce tout court roman a la légèreté d'une bonne blague et la profondeur de la réflexion.

Entre le sourire malicieux d'un Beckett qui s'invente des archives et des discussions entre les deux hommes sur la pérennité des oeuvres et la postérité, L'apiculture... offre de manière détournée, et sans aucune lourdeur, le fruit de la pensée d'un auteur qui s'intéresse à la place de l'artiste dans le monde.

* * * *

L'apiculture selon Samuel Beckett. Martin Page. Éditions de l'Olivier, 87 pages.