Et si tous les romans d'Alessandro Baricco n'avaient été écrits que pour mener à cet Emmaüs, manifestement très personnel et loin, bien loin de l'habituel univers de l'écrivain turinois?

Dans les années 70, ils sont quatre jeunes Italiens de 16, 17 ans, «croyants et catholiques», petits-bourgeois charitables, mais pas généreux, «désadaptés» et pétris de contradictions, intenses comme on ne peut l'être qu'à cet âge.

Leur univers va peu à peu être bouleversé par une fille issue d'un des grands clans riches du coin («Ils ne sont pas honnêtes, ils ne sont pas prudents, ils n'ont pas honte, et ce, depuis un sacré bout de temps»), mais surtout porteuse de déséquilibres de toutes sortes.

Si on aime Baricco pour ses récits métaphoriques, on sera sans doute sérieusement déstabilisé. Si on est au contraire circonspect ou moins convaincu devant ses histoires un brin cabalistiques et romanesques, on succombera à cet Emmaüs incarné, ancré dans ce que l'adolescence a de plus terrible et d'émouvant, écrit (ou en tout cas traduit de l'italien) de façon quasi sublime.

Le profane et le sacré entremêlés, comme dans une chanson de Cohen, mais le temps d'un roman.

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Emmaüs. Alessandro Baricco. Traduit de l'italien par Lise Caillat. Gallimard. 135 pages.